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obscure et maintes fois déterminante, des « impondérables ». De ces inconnus puissants les actions humaines subissent fréquemment la pression encore impénétrée…


IMPOPULARITÉ n. f. État de ce qui n’est pas conforme aux désirs du peuple ; qui déplaît au peuple.

Les actes d’arbitraire, de despotisme amènent, en général, l’impopularité pour leurs auteurs. Quels que soient les moyens employés, si zélés soient les laudateurs stipendiés et suborneurs, pour essayer de légitimer ces actes, il arrive toujours un moment où, malgré les mensonges et les plaidoyers hypocrites, les hommes qui emploient la répression pour se maintenir au Pouvoir deviennent impopulaires.

Certains, tels Néron, Charles IX, Catherine de Médicis, Louis XIV, Louis XV, Napoléon III, Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe, Thiers, Gallifet, Mac Mahon, Clemenceau, Mussolini, Rivera, Alphonse XIII, Millerand, les gouvernants bolchevicks et même dans une certaine mesure Poincaré, n’ont pas attendu le verdict de l’Histoire pour être entourés d’une impopularité chaque jour grandissante. Le peuple subit la contrainte du pouvoir, supporte la dictature grâce à la terreur employée par les gouvernants, mais en maugréant, en maudissant tout bas les dictateurs.

Le parlementarisme, de par son impuissance et la vénalité dont il fait preuve, s’attire peu à peu une impopularité qui amènera fatalement un soulèvement du peuple contre les fourbes et les corrompus qui le gouvernent encore aujourd’hui. Le gendarme est un type foncièrement impopulaire ; certains en firent cruellement l’épreuve à Verdun durant la dernière boucherie. Le mouchard, les flics ont acquis une somme d’impopularité qui s’exprime par des qualificatifs très énergiques.

Le méchant, l’envieux, le fourbe sont impopulaires, — témoin l’impopularité qui s’attache à ces maîtres de la dissimulation que sont les Jésuites.

L’impopularité de certains gouvernants amena souventes fois des révoltes. On peut dire que ce fut l’impopularité de Guizot qui coûta le trône à Louis-Philippe. Les thuriféraires, du Pouvoir auront beau faire, l’instinct de liberté qui est inné chez les individus fera s’amplifier chaque jour davantage l’impopularité des lois, des gouvernements et de tous les moyens de contrainte avec lesquels on maintient encore aujourd’hui la classe ouvrière dans le servage.

Sitôt après la prise de la Bastille, le marquis de Launay, gouverneur de la forteresse, et le prévôt des marchands Flesselle virent leur impopularité poussée à l’extrême et leurs têtes furent promenées au bout des piques dans les rues de Paris par le peuple en révolte. Si une révolte avait lieu demain, bien des personnages qui se font encenser aujourd’hui par la presse à leurs gages, pourraient bien payer aussi cher leur impopularité.


IMPORTATION n. f. Action d’introduire dans un pays des choses provenant de pays étrangers.

Aux mots douane, exportation, nous avons exposé comment tous les pays vivent, au point de vue économique, dans une situation d’interdépendance étroite et la nécessité dans laquelle ils se trouvent d’échanger des produits. On lira aussi, aux mots : commerce, concurrence, échange (libre), protectionnisme, des études documentées sur les matières qui se rattachent à l’importation et à l’exportation.

D’innombrables entraves sont mises par les gouvernements à l’importation des produits qui, quelquefois, sont de première nécessité. Les tarifs douaniers et le protectionnisme qui tend de plus en plus à s’acclimater dans tous les pays font que, pour permettre aux commerçants d’une nation de s’enrichir, on impose abusivement une marchandise de façon à ce que, son prix

de vente devienne plus fort que celui de la même denrée produite par la nation importatrice.

C’est ainsi que pendant la guerre, alors que la France manquait de blé, le froment argentin se vit taxer, à la demande des cultivateurs français, de droits d’entrée quasi prohibitifs. C’est encore ainsi que, pour permettre aux vignerons de France de maintenir haut et ferme les cours du vin, on contingenta les vins algériens et tunisiens en ne permettant l’importation que d’une quantité déterminée. Comme l’exportation, l’importation n’est pas réglementée suivant les besoins de la population, mais uniquement par les exigences des producteurs et des commerçants nationaux qui, étant des électeurs influents, font voter par les parlementaires ou décréter par les ministres toutes les lois nécessaires pour leur monopole de fait.

Seul le communisme libertaire, en supprimant le commerce et l’État, permettra à l’importation de jouer son véritable rôle de coopération internationale.


IMPÔT n. m. (du latin impositum). Contribution exigée des citoyens pour assurer le service des charges publiques. Charge quelconque incombant à un citoyen pour le service de l’État.

Dans son Système des Contradictions Économiques, Proudhon a magistralement décrit le caractère de l’impôt. Donnons-lui la parole :

« L’impôt, dans son essence et sa destination positive, est la forme de répartition de cette espèce de fonctionnaires qu’Adam Smith a désignés sous le nom d’improductifs. Par cette qualification d’improductifs, Adam Smith entendait que le produit de ces travailleurs est négatif et qu’en conséquence la répartition suit à leur égard un autre mode que l’échange.

« Considérons, en effet, ce qui se pose, au point de vue de la répartition dans les quatre grandes divisions du travail collectif : extraction, industrie, commerce, agriculture. Chaque producteur apporte sur le marché un produit réel dont la qualité peut s’apprécier, la quantité se mesurer, le prix se débattre et, finalement, la valeur s’escompter soit contre d’autres services ou marchandises, soit en numéraire. Pour toutes ces industries, la répartition n’est donc pas autre chose que l’échange mutuel des produits, selon la loi de proportionnalité des valeurs.

« Rien de semblable n’a lieu avec les fonctionnaires dits publics. Ceux-ci obtiennent leur droit à la subsistance, non par la production d’utilités réelles, mais par l’improductivité même ou ils sont retenus. Pour eux, la loi de proportionnalité est inverse : tandis que la richesse sociale se forme et s’accroît en raison directe de la quantité, de la variété et de la proportion des produits effectifs fournis, le développement de cette même richesse, le perfectionnement de l’ordre social, supposent au contraire, en ce qui regarde le personnel d’État, une réduction progressive et indéfinie. En un mot, le salaire des employés du gouvernement constitue pour la société un déficit ; il doit être porté au compte des pertes que le but de l’organisation industrielle doit être d’atténuer sans cesse.

« La théorie synthétique de l’impôt c’est de faire vivre cette cinquième roue du char de l’Humanité qui fait tant de bruit et qu’on appelle, en style gouvernemental, l’État. — L’État, la police, ou leur moyen d’existence l’impôt, c’est, je le répète, le nom officiel de la chose qu’on désigne, en économie politique, sous le nom d’improductifs, en un mot de la domesticité sociale.

« L’idée originaire de l’impôt est celle d’un Rachat. Comme, par la loi de Moïse, chaque premier-né était censé appartenir à Jéhovah et devait être racheté par une offrande, ainsi l’impôt se présente partout sous la forme d’une dîme ou d’un droit régalien par lequel le propriétaire rachète chaque année de l’État le bénéfice d’exploitation qu’il ne tient que de lui.