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législateurs peuvent-ils obtenir ce résultat, ou la loi, l’autorité, ne sont-elles génératrices que de misère et de désordres ? (Voir Loi, Autorité, Légalité, Législation, Justice, etc.). — A. Lapeyre.


LÉGISLATIF (IVE). adj. Qui a le pouvoir de faire, qui fait des lois : Assemblée législative. Qui a rapport à la loi, à la confection des lois, qui en partage la nature ou le caractère : actes, mesures législatifs. Qui a droit de faire des lois : pouvoir législatif. « Les grands feudataires de la couronne exerçaient avec le roi le pouvoir législatif et constitutif pour les grandes sanctions de l’État. » (Saint-Simon). « Le corps législatif, dit Montesquieu, ne doit point s’assembler lui-même, car un corps n’est censé avoir de volonté que lorsqu’il est assemblé… » C’est vers une détente de la tyrannie législative que tendait Royer-Collard lorsqu’il disait : « Il n’y a de nations politiquement libres que celles qui participent sans relâche et au pouvoir législatif et au pouvoir judiciaire. » Et Proudhon cherchait le fondement de la capacité législative ailleurs que dans l’arbitraire de la naissance et du règne, la suprématie du cens ou la fantaisie du suffrage, qui proclamait que « la puissance législative n’appartient qu’à la raison, méthodiquement reconnue et démontrée »… (Voir législateur, loi, etc.)

Assemblée législative. — Fut élue pour deux ans, en vertu de la Constitution de 1791, mais ne siégea même pas une année : du 1er octobre 1791 au 20 septembre 1792. Son histoire fut marquée par deux faits essentiels : la déclaration de la guerre à l’Autriche, le 20 avril 1792, laquelle détermina la suspension de Louis XVI (imposée par l’insurrection parisienne du 10 août 1792), prélude de l’abolition de la royauté. La suspension du roi, après sa tentative de fuite à Varennes et son emprisonnement au Temple, plaça l’assemblée devant des problèmes pour lesquels elle se sentait insuffisamment armée. Elle se sépara, cédant la place à la Convention.

Assemblée législative. — Élue le 13 mai 1849. Donna une majorité réactionnaire dite : du Parti de l’Ordre. En outre, un mois après, quelques-uns des députés républicains (33) furent emprisonnés. Aussi la législative s’employa-t-elle à restreindre les libertés conquises en 1848, et à préparer le retour de l’Empire. Elle vota notamment la « Loi Falloux » sur l’enseignement, accordant des droits exorbitants aux catholiques. Il faut noter que le « républicain » Thiers, le futur assassin de la Commune, était un des chefs de ce parti de l’ordre. La législative vota également le suffrage restreint.

L’Assemblée fut dissoute par le coup d’État du 2 décembre.

Corps législatif. — Corps politique constitué en 1852 et dissous le 4 septembre 1870.


LÉGISLATION n. f. (latin législatio, de lex, legis, loi et latus, porté). Au sens ordinaire du mot, on entend par législation un ensemble de lois en vigueur à une époque et dans un pays donnés ; ainsi l’on parle de législation ancienne et moderne, française, russe, américaine, de législation des loyers, commerciale, industrielle, etc. La fabrication des lois et règlements, conséquence du pouvoir de commander que s’arrogent les gouvernants, suivit l’institution de conseils d’anciens, puis de chefs, dans les tribus primitives mais longtemps la volonté des maîtres ne fut pas codifiée de façon durable et systématique. Aujourd’hui d’innombrables prescriptions règlementent, jusque dans le détail, les moindres actions des « libres » citoyens d’Europe et d’Amérique ; d’où l’énorme développement de législations qui sans cesse empiètent sur le domaine déjà si restreint de l’indépendance individuelle. En Grèce, Lycurgue donna à Sparte des institutions imitées de celles de Crète ; impitoyables pour l’esclave et l’enfant, dures pour tous, elles

visaient seulement à former des soldats. Plus humaines, celles que les Athéniens reçurent de Solon se modifièrent peu à peu ; le peuple possédait le pouvoir législatif en principe avec de nombreuses restrictions dans la pratique. Mais c’est à Rome que les deux notions corrélatives d’état et de loi devaient acquérir leur plein développement ; acceptées avec empressement par les despotes, elles se sont acclimatées depuis chez la généralité des peuples. Le droit romain fut complètement codifié sous l’empereur Justinien, au xie siècle de notre ère, par des jurisconsultes qui réunirent les prescriptions édictées aux époques antérieures ; déjà, au milieu du iiie siècle, sous le règne des Sévères, il présentait ses lignes essentielles. Coutume, loi, édits du préteur constituaient sa triple source. Ensemble de règles écrites et transmises par la tradition, la coutume des ancêtres (mos majorum) était respectée autant que la loi écrite par les Romains ; toutefois elle avait pour sanction la colère des dieux ; non des châtiments infligés par le magistrat. La loi (lex) désignait à l’origine les engagements réciproques pris, les uns envers les autres, par les citoyens. C’était du ve siècle avant notre ère que datait la Loi des Douze Tables, la première encore toute imprégnée d’esprit théocratique ; elles devinrent innombrables. Si le pouvoir législatif appartenait au peuple, il ne pouvait l’exercer qu’avec la coopération d’un magistrat. Quant aux Édits du préteur, malgré leur caractère transitoire, ils tinrent une place considérable dans la législation romaine. Lorsqu’il entrait en charge, le chef suprême de la justice, le préteur urbain, faisait connaître les principes qui le guideraient dans la rédaction de ses arrêts ; sans pouvoir contredire formellement la loi, il était libre d’innover et d’interpréter à sa façon. En droit son édit ne lui survivait pas, cessant d’être applicable lorsqu’il sortait de charge, au bout d’un an ; en fait, les édits successifs se complétèrent en général, loin de se détruire, et leur ensemble fit partie intégrante du droit. À Rome la connaissance des lois fut toujours en honneur ; mais c’est durant les trois premiers siècles de l’Empire que la jurisprudence atteignit son développement maximum avec Labéon, Julianus, Gaïus, Papien, Ulpien, Paul. Ces juristes consacrèrent la toute-puissance du prince ; dans l’État, tout sujet, disaient-ils, devait obéir aveuglément au maître. Naturellement les empereurs chrétiens ne répudièrent pas ces idées ; en 426, la Loi des Citations, rendue sous Théodose II et Valentinien III, décida même que les écrits de Papinien, Paul, Gaïus, Ulpier, Modestin auraient force de loi ; en cas de partage on prendrait l’opinion qui avait pour elle le plus grand nombre de ces jurisconsultes, et si les suffrages se répartissaient en fraction égales, celle de Papinien. Le catholicisme, qui calqua sa constitution sur celle de, l’empire, devait verser également dans les idées centralisatrices et autoritaires, inspirées du droit romain. Grâce à lui le Corpus juris civilis publié sous Justinien, et qui réunissait toutes les lois antérieures ou de l’époque dans divers ouvrages : Code, Novelles, Institutes, Pandectes continua d’être enseigné dans les Universités, au moyen âge. On connaît le rôle joué, en France, par les légistes dans l’établissement de la monarchie absolue ; la tradition qu’ils ont créée subsiste. Maintes fois le personnel gouvernemental a changé ; aux Capétiens ont succédé les Bonapartes, ainsi que des ministres et présidents républicains ; les tendances autoritaires et centralisatrices ont persisté sous tous les régimes successifs. Un Richelieu, un Robespierre, un Napoléon, un Clemenceau professaient des idées différentes ; ils se ressemblent étrangement, dès qu’on observe leur caractère et leurs procédés de gouvernement.

Au point de vue législatif, l’ancienne France comprenait des pays de coutume et des pays de droit écrit ; les premiers étant situés au nord dans l’ensemble, les