Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/315

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Jones le pria de retrancher de son récit les circonstances dont le souvenir lui causeroit quelque peine ; mais Partridge, moins discret, se hâta de dire : « Je vous en prie, monsieur, ne passez rien. Je suis plus curieux de connoître ce trait-là, que tout le reste de vos aventures, et je vous jure que je n’en parlerai à personne. »

Jones alloit le réprimander, quand le solitaire l’en empêcha, en poursuivant de la sorte :

« J’avois un camarade de chambre, jeune homme économe et sage, qui, malgré la modicité de sa pension, avoit amassé, par ses épargnes, quarante guinées. Instruit qu’il les gardoit dans son secrétaire, je profitai du moment où il dormoit, pour lui dérober sa clef, et je m’emparai de son trésor. Je remis ensuite la clef dans sa poche, je me recouchai, et feignant un profond sommeil, quoiqu’il me fût impossible de fermer les yeux, j’attendis pour me lever que mon camarade se rendît à la prière, exercice pieux auquel je me dispensois depuis long-temps d’assister.

« Les voleurs timides s’exposent souvent, par un excès de précaution, au danger d’être découverts, tandis que ceux d’un caractère plus audacieux parviennent à l’éviter. C’est ce qui m’arriva. Si j’avois forcé hardiment le secrétaire, j’aurois peut-être échappé, même au soupçon ; mais