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À l’extérieur des volets, sous les petites figures de l’Annonciation, on voit saint Sébastien et saint Antoine ; puis aux extrémités les portraits des donateurs, le chancelier Rolin et sa femme Guigone de Salins. Bien qu’aucun document ne renseigne sur l’activité de Roger van der Weyden entre 1436 et 1449, nous avons tout lieu de croire que l’intérieur du retable fut commencé vers 1443 et terminé vers 1448 ; l’extérieur fut achevé avant 1482 ainsi que l’atteste la présence de saint Antoine qui ne fut patron de l’Hôtel-Dieu que jusqu’à cette date.

Le Jugement dernier est une œuvre grave, imposante, profondément religieuse, et fidèle à l’art médiéval par ses qualités de rythme, de symétrie, de symbolisme. L’œuvre décèle moins de beautés inventives que le Retable de l’Agneau et nous ne retrouvons point ici les exquis détails de nature, de paysage, d’intérieur du polyptyque de Gand. Roger van der Weyden est religieux, rien que religieux. Les anatomies de ses ressuscités sont assez faibles et ne marquent pas grand progrès sur les nus des Heures de Chantilly. Les portraits — outre ceux des donateurs on croit reconnaître le pape Eugène IV, Philippe le Bon (Fig. XXVI) et sa femme Isabelle de Portugal n’ont pas la vérité aiguë, impitoyable, des effigies peintes par le portraitiste du chanoine van der Paele. Mais par la splendeur de son exécution et par l’élévation du sentiment le retable de Beaune se range parmi les plus hauts chefs-d’œuvre de la peinture. Tout en procédant de l’art eyckien, la technique du Jugement dernier en diffère pourtant. Sous la peinture des maîtres de l’Adoration circule et vibre une trame de fils d’or bruni. Chez van der Weyden cette teinte fondamentale s’éclaircit et s’argente… Les grandes figures se détachent sur un ciel enflammé et glorieux, plein d’or et de pourpre dont les splendeurs soutiennent les notes somptueuses des vêtures. Quelles éloquentes et divines « matérialisations » que celles du Christ, en manteau pourpre, du saint Michel orné d’ailes où flambent des yeux, couvert d’une robe virginale et d’une chape écarlate pourfilée de perles, soutachée de broderies, agrafée sur la poitrine par une « bille » d’or en façon de fleur ! Et quelles figures saisissantes par la magnificence de l’aspect que la Vierge drapée d’azur, le saint Jean-Baptiste au manteau violacé, puis les apôtres, habillés de couleurs symboliques[1] : d’une part Paul en rouge, Mathieu en jaune chrysolithe, Jean en émeraude, Simon en rouge ligure, André en saphir, saint Philippe en onyx rayé ; d’autre part Thadée en vert chrysopase, Barthélémy en sarde rutilant, Thomas en bleu béryl, Jacques le Mineur en topaze, saint Mathias en améthyste… Chose curieuse : l’harmonie s’établit par les tons pâles, les teintes des chairs s’accordant avec les nuances ténues du ciel. La recette de van

  1. Cf. F. de Méli, art. cit.