Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/197

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une contemplation qui l’engourdissait, il la secoua pourtant. Comment se faire valoir ? par quels moyens ? Et, ayant bien cherché, Frédéric ne trouva rien de mieux que l’argent. Il se mit à parler du temps, lequel était moins froid qu’au Havre.

— Vous y avez été ?

— Oui, pour une affaire… de famille… un héritage.

— Ah ! j’en suis bien contente, reprit-elle avec un air de plaisir tellement vrai, qu’il en fut touché comme d’un grand service.

Puis elle lui demanda ce qu’il voulait faire, un homme devant s’employer à quelque chose. Il se rappela son mensonge et dit qu’il espérait parvenir au Conseil d’État, grâce à M. Dambreuse, le député.

— Vous le connaissez peut-être ?

— De nom, seulement.

Puis, d’une voix basse :

Il vous a mené au bal, l’autre jour, n’est-ce pas ?

Frédéric se taisait !

— C’est ce que je voulais savoir, merci.

Ensuite, elle lui fit deux ou trois questions discrètes sur sa famille et sa province. C’était bien aimable, d’être resté là-bas si longtemps, sans les oublier.

— Mais…, le pouvais-je ? reprit-il. En doutiez-vous ?

Mme Arnoux se leva.

— Je crois que vous nous portez une bonne et solide affection. Adieu,… au revoir !

Et elle tendit sa main d’une manière franche et virile. N’était-ce pas un engagement, une pro-