Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/406

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

respiration augmentait de minute en minute. Elle resta jusqu’au jour, penchée sur sa couverture, à l’observer.

À huit heures, le tambour de la garde nationale vint prévenir M. Arnoux que ses camarades l’attendaient. Il s’habilla vivement et s’en alla, en promettant de passer tout de suite chez leur médecin, M. Colot. À dix heures, M. Colot n’étant pas venu, Mme Arnoux expédia sa femme de chambre. Le docteur était en voyage, à la campagne, et le jeune homme qui le remplaçait faisait des courses.

Eugène tenait sa tête de côté, sur le traversin, en fronçant toujours ses sourcils, en dilatant ses narines ; sa pauvre petite figure devenait plus blême que ses draps ; et il s’échappait de son larynx un sifflement produit par chaque inspiration, de plus en plus courte, sèche, et comme métallique. Sa toux ressemblait au bruit de ces mécaniques barbares qui font japper les chiens de carton.

Mme Arnoux fut saisie d’épouvante. Elle se jeta sur les sonnettes, en appelant au secours, en criant :

— Un médecin ! un médecin !

Dix minutes après, arriva un vieux monsieur en cravate blanche et à favoris gris, bien taillés. Il fit beaucoup de questions sur les habitudes, l’âge et le tempérament du jeune malade, puis examina sa gorge, s’appliqua la tête dans son dos et écrivit une ordonnance. L’air tranquille de ce bonhomme était odieux. Il sentait l’embaumement. Elle aurait voulu le battre. Il dit qu’il reviendrait dans la soirée.

Bientôt les horribles quintes recommencèrent. Quelquefois, l’enfant se dressait tout à coup.