Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tableau de Léopold Robert. Les postillons ont le béret rouge des Basques et le pantalon à galons, les chevaux sont plus petits, plus efflanqués ; les toits deviennent plats ; les tuiles rouges et bosselées qui les couvrent, les murs blancs des maisons dont le faîte n’est pas souvent plus haut que les vignes, tout cela c’est bien du Midi. Partout cheveux noirs et barbes fortes, costumes bigarrés comme dans un bal masqué, des paysans battant le blé devant leur grange. Quand vous passez dans ces petits villages blancs comme la campagne où ils sont assis et comme le soleil qui les éclaire, que vous tournez aux angles de mur uni, percé de petites fenêtres, on se croirait, j’imagine, en Espagne.

Vous n’êtes plus assailli, comme dans le Poitou, de femmes qui exploitent la soif ou la pitié du voyageur, seulement la poussière tourbillonne et le soleil darde ; point de bruit ni de chants dans la campagne. Pour rendre la ressemblance plus parfaite, le rapport plus juste, à Savignac j’ai eu une véritable apparition moresque : pendant que nous relayons, un contrevent vert s’est ouvert, une main est d’abord aperçue (pour qu’on ne m’accuse pas trop d’exploration féminine, je déclare que c’est sur la découverte de mon grave et savant compagnon M. Cloquet), une main, puis un profil, puis deux, deux têtes noires avec un sourcil superbe à peine entrevues ! Dérision ! une plaque jaune me fait conjecturer que c’étaient les deux filles du notaire.