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DE GUSTAVE FLAUBERT.

tance et au temps. Quant au voyage de Gisors, nous passerions notre journée en chemin de fer et en diligence. Il faut, quand on a quitté le chemin de fer de Gaillon aux Andelys, une heure, et certainement des Andelys à Gisors au moins deux, ce qui fait : trois, plus deux du chemin de fer, cinq. Autant pour revenir : dix. Et cela pour se voir deux heures. Non ! non ! Dans six semaines, à Mantes, nous serons seuls et plus longtemps (pour si peu d’ailleurs je n’aime point les amis) et ça ne vaut pas la peine de se voir pour n’avoir que la peine de se dire adieu.

Je sais ce que les dérangements me coûtent, mon impuissance maintenant me vient de Trouville. Quinze jours avant de m’absenter, ça me trouble. Il faut à toute force que je me réchauffe et que ça marche ! — ou que j’en crève. Je suis humilié, nom de Dieu, et humilié par devers moi de la rétivité de ma plume. Il faut la gouverner comme les mauvais chevaux qui refusent. On les serre de toute sa force, à les étouffer, et ils cèdent.

Nous avons reçu vendredi la nouvelle que le père Parain était mort. Ma mère devait partir pour Nogent, mais elle a été reprise un peu à la poitrine. Elle s’est mis des sangsues aujourd’hui. J’ai toujours un fonds d’inquiétude de ce côté. Cette mort, je m’y attendais. Elle me fera plus de peine plus tard, je me connais. Il faut que les choses s’incrustent en moi. Elle a seulement ajouté à la prodigieuse irritabilité que j’ai maintenant et que je ferais bien de calmer, du reste, car elle me déborde quelquefois. Mais [c’est] cette rosse de Bovary qui en est cause. Ce sujet bourgeois me dégoûte […].