Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coupons seulement… Mais pas de danger avec les dispositions saugrenues qu’avait prises cette vieille gredine… que le bon Dieu l’ait en sa sainte et digne garde !

— Mais, sois tranquille, reprit M. de Meillan après un silence chargé de pensées, tout cela ne durera pas aussi longtemps que les contributions !…

Et, sur cette parole d’espoir, le père congédia son fils et, demeuré seul, se remit à tourner la manivelle de son copie de lettres, tandis que sa rêverie, laissant au-dessous d’elle ce mouvement quasi-réflexe, planait dans une atmosphère de projets grandioses.

Jacques, qui avait demandé cent francs pour en obtenir cinquante, n’avait tout de même pas prévu un échec aussi complet de tous ses plans. La gaieté et l’exubérance de son père depuis quelques jours lui avaient donné le change sur l’état momentané de sa fortune. Il avait cru que la source d’alcool, avant de couler réellement dans le Caucase, aurait rempli la caisse familiale d’un Pactole anticipé. Ce refus le laissa sans force, sans pensée, et l’image même d’Anne Mazarakis disparaissait en un tourbillon incohérent, informe, absurde, entraînant dans la giration d’une migraine commençante des carnets de chèques, des napoléons, des sous du Pape, des notes de tailleur, des protêts, des papiers timbrés de toutes couleurs : depuis le blanc qui sert aux transactions privées, jusqu’au bleu de sombre azur qui s’abat en pluie sur les tables des pauvres gens.

— Anne ! Anne ! que devenez-vous parmi tant de piètres besoins et de mesquines nécessités ? L’argent ! les sous ! les billets de banque ! Ah ! Seigneur ! où sont les jardins de votre Éden ?…