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souvenirs d’une actrice.

société d’alors. J’avais souvent entendu parler de madame de Récamier, mais je ne l’avais jamais vue que de loin ; c’était au temps du Directoire. Madame de P… avait projeté une soirée de musique et de danse ; deux Directeurs y étaient attendus, car on traitait ces messieurs avec beaucoup de cérémonie : c’étaient les souvenirs du moment. Cette soirée promettait donc d’être extrêmement brillante. Nous étions sur l’estrade de l’orchestre ; je m’étais établie dans un coin, à l’abri d’une contrebasse, afin de mieux observer les arrivants. J’aime à me trouver ainsi, seule au milieu du monde, lorsque chacun, occupé du mouvement d’une grande réunion, ne pense qu’à soi. À cette époque, la danse était une véritable frénésie ; elle faisait un des points principaux de l’éducation ; on s’en occupait comme à l’Opéra. Il y avait des réputations de salon, et chaque mère briguait cet honneur pour sa fille. On réglait les pas comme ceux d’un ballet ; on faisait des battements. On se réunissait le matin pour répéter, et le cœur palpitait de l’espoir d’être engagée par M.  de Trénis, célèbre danseur de sa-