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— Mais c’est un roman que vous me récitez.

— Oui, madame, un roman, et le dénoûment est entre vos mains. Certes, la comtesse votre mère avait pris, pour cacher votre secret, les précautions les plus minutieuses et les plus savantes ; mais les plans les mieux conçus pèchent toujours par quelque endroit. Après votre départ, une des amies que votre mère avait à Londres est venue la relancer jusqu’au village où vous étiez établies. Cette dame a prononcé votre vrai nom devant la fermière qui avait été chargée de l’enfant. Tout était découvert. Mon frère a voulu des preuves, il s’en est procuré d’irrécusables, de positives.

Il s’arrêta, épiant sur le visage de Mme Fauvel l’effet de ses paroles.

À sa grande surprise, elle ne semblait ni émue, ni troublée ; son œil souriait.

— Et après ? interrogea-t-elle du ton le plus léger.

— Ensuite, madame, Gaston a reconnu cet enfant. Mais les Clameran sont pauvres, c’est sur un grabat d’hôtel garni que mon frère est mort, et je n’ai, moi, pour vivre, qu’une pension de 1,200 francs. Que va devenir Raoul, seul, sans famille, sans protecteur, sans un ami ? Ces inquiétudes ont torturé les derniers moments de mon frère.

— En vérité, monsieur…

— Je finis, interrompit Louis. C’est alors que Gaston m’a ouvert son cœur. C’est alors qu’il m’a ordonné de venir vers vous. « Valentine, m’a-t-il dit, Valentine se souviendra, elle ne saurait supporter cette idée, que notre fils manque de tout, même de pain ; elle est riche, très-riche, je meurs tranquille. »

Mme Fauvel s’était levée ; cette fois, c’était bien évidemment un congé.

— Vous avouerez, n’est-ce pas, monsieur, commença-t-elle, que ma patience est grande.

Cette assurance imperturbable confondait si bien Louis qu’il ne répondit pas.

— Je veux bien vous dire, poursuivit-elle, qu’autre-