Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
326
CONSTANTINOPLE.

Grecques coiffées d’une façon charmante, selon la mode de leur nation ; une pointe de gaze bleue piquée de quelques étincelles de paillon leur couvrait le fond de la tête ; les cheveux, partagés en bandeaux ondés comme ceux des statues antiques, coulaient de chaque côté de leurs tempes, cerclés à leur séparation, comme par une féronière, par une énorme natte de cheveux formant diadème. — Cette natte n’est pas toujours vraie, et quelques vieilles matrones poussent l’insouciance jusqu’à la porter d’une autre couleur que celle de leurs cheveux naturels. Une bonne dame, placée non loin de ces beautés, étalait sur des bandeaux noirs mélangés de fils blancs une grosse tresse d’un blond roux qui n’avait pas la moindre prétention d’être enracinée dans son crâne.

Les anciens costumes disparaissent ; aussi les trois jeunes Grecques étaient-elles habillées à la française, mais leur coiffure et une veste de soie brodée, assez semblable aux caracos de nos élégantes, leur donnaient un air suffisamment pittoresque ; leurs traits purs et nettement découpés montraient que les types grecs, devenus classiques, n’étaient que de simples copies de la nature. L’homme ne peut rien imaginer, pas même un monstre. On retrouverait, sans beaucoup chercher, parmi les filles d’Éleusis et de Mégare, les modèles vivants de Phidias, de Praxitèle et de Lysippe. Ces trois belles filles sur le pont de ce bateau à vapeur faisaient penser à la virginale triade des Grâces.

Pendant la traversée, tout le monde fumait, et mille spirales bleuâtres allaient se rejoindre à la noire vapeur du tuyau ; le bateau, très-chargé sur le pont et nullement lesté dans la cale, tanguait horriblement, et si le voyage eût duré un quart d’heure de plus, il y aurait eu des cas de mal de mer, bien que l’eau fût unie comme une glace.

Enfin le Bangor, c’est le nom de cet affreux sabot, se