Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
ÉGYPTE.

soleil, font éclore la vie. Nulle part cet accord de l’homme et du sol n’est plus visible ; nulle part la terre n’a plus d’importance. Elle étend sa couleur sur toute chose : les maisons revêtent cette teinte, les fellahs s’en rapprochent par leur teint bronzé, les arbres, saupoudrés d’une fine poussière, les eaux, chargées de limon, se conforment à cette harmonie fondamentale. Nous faisions ces réflexions en traversant au galop de la locomotive cette vaste plaine brune, et nous nous disions que, pour la peindre, l’artiste n’aurait besoin sur sa palette que de cette couleur qu’on appelle précisément momie, avec un peu de blanc et de bleu de cobalt pour le ciel. Les animaux eux-mêmes portent cette livrée : le chameau fauve, l’âne gris, le buffle bleu d’ardoise, les pigeons cendrés et les oiseaux roussâtres rentrent dans le ton général.

Ce qui surprend aussi, c’est l’animation qui règne dans la campagne. Sur les chaussées qui bordent les canaux et traversent les portions inondées, circule tout un monde de