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les cruautés de l’amour

Elle tira de sa manche sa petite bourse et la vida sur ses genoux. Quelques liangs d’or tintèrent gaiement. C’était quelque chose, mais bien peu s’il lui fallait vivre avec cette somme jusqu’à un changement de règne ; elle compta plusieurs fois ses liangs et sourit en se souvenant de ses hôtes de la veille comptant et recomptant leurs pièces de cuivre.

À ce moment, Lon-Foo entendit marcher près d’elle. Un homme s’avança jusqu’au bord du fleuve et hêla quelqu’un.

Un cri répondit à son appel et une barque glissant parmi les joncs vint aborder devant lui.

L’homme sauta dans la barque, qui s’éloigna du rivage et traversa le fleuve.

Lon-Foo la suivit des yeux. C’était une de ces embarcations que l’on nomme chan-pan, surmontée d’une petite cabine couverte d’une natte de bambou. Cabine qui sert de logis au batelier. Lon-Foo remarqua que celle qui dirigeait le bateau était une femme âgée.

— Elle est vêtue comme je le suis moi-même, se dit la jeune fille, je suis donc costumée en batelière. Voici, d’ailleurs, un métier qui me conviendrait beaucoup.

Après avoir déposé le passant sur l’autre rive, la