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les cruautés de l’amour

« Les îles Fidji sont habitées par les plus redoutables anthropophages de l’Univers. Rien ne saurait donner une idée de la ruse et de la férocité de ces sauvages qui ont résisté jusqu’à ce jour à toute civilisation et ensanglanteront longtemps encore de leurs horribles festins le pays qui les a vus naître. »

— Oh ! oh ! fit la jeune femme.

— N’est-ce pas, c’est horrible ?

— Tout vaut mieux que d’être noyé.

— Vous n’y songez pas, milady ! Être coupé en morceaux comme un veau, mis à la broche, mangé avec un peu de sel et digéré par d’affreux estomacs de nègres !…

— Nous attendrirons les nègres ; je leur chanterai des chansons.

— Moi je leur donnerai ma montre ; je ferai la culbute et le saut périlleux ; mais croyez-vous ?…

— Peut-être. Les nègres sont des hommes après tout.

— Vous êtes donc d’avis de descendre sur ce dangereux rivage ?

— Sans doute, et, dès à présent, je vais m’occuper du déménagement. Il faudra emporter de quoi nous nourrir avant d’être mangés, car je ne suis pas d’humeur à me repaître de racines et d’herbages.