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cristaux de la glace, contrastait heureusement avec les teintes fauves des ors ; ― des corbeilles de filigrane d’or et d’argent, précieusement travaillées, avec des découpures plus frêles et plus fenestrées qu’une dentelle de Brabant, étaient remplies des fruits les plus rares : c’étaient des raisins vermeils et blonds comme l’ambre, d’énormes pêches aux joues de velours incarnat, des ananas aux feuilles dentelées en scie, exhalant les chauds parfums du tropique ; des cerises et des fraises d’une grosseur monstrueuse. Les primeurs du printemps et les derniers présents que l’automne verse de sa corbeille tardive se rencontraient sur cette table, étonnés de se voir pour la première fois face à face. ― Les saisons et l’ordre ordinaire de la nature ne paraissaient pas exister pour Fortunio.

Sur des coupes de porphyre s’élevaient en pyramide des sucreries, des confitures des îles, des conserves de rose, des grenades, des oranges, des cédrats et tout ce que la plus luxueuse gourmandise peut réunir de raffiné, d’exquis et de ruineusement rare.

Nous avons tout d’abord, intervertissant l’ordre habituel, commencé par le dessert ; mais le dessert n’est-il pas tout le dîner pour une jolie femme ? Cependant, afin de rassurer le lecteur qui trouverait ces mets trop peu substantiels pour un héros de la taille et de la force de Fortunio, nous lui dirons que, dans des plats ar-