Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

missante avec des cicatrices au flanc, cicatrices qui n’étaient pas des marques d’éperon.

Après avoir pendu dans sa chambre quelque peau d’hyène ou de lion, il repartait.

Et cependant personne n’eût pu être plus heureux que Meïamoun ; il était aimé de Nephté, la fille du prêtre Afomouthis, la plus belle personne du nome d’Arsinoïte. Il fallait être Meïamoun pour ne pas voir que Nephté avait des yeux charmants relevés par les coins avec une indéfinissable expression de volupté, une bouche où scintillait un rouge sourire, des dents blanches et limpides, des bras d’une rondeur exquise et des pieds plus parfaits que les pieds de jaspe de la statue d’Isis : assurément il n’y avait pas dans toute l’Égypte une main plus petite et des cheveux plus longs. Les charmes de Nephté n’eussent été effacés que par ceux de Cléopâtre. Mais qui pourrait songer à aimer Cléopâtre ? Ixion, qui fut amoureux de Junon, ne serra dans ses bras qu’une nuée, et il tourne éternellement sa roue aux enfers.

C’était Cléopâtre qu’aimait Meïamoun !

Il avait d’abord essayé de dompter cette passion folle ; il avait lutté corps à corps avec elle ; mais on n’étouffe pas l’amour comme on étouffe un lion, et les plus vigoureux athlètes ne sauraient rien y faire. La flèche était restée dans la plaie et il la traînait partout avec lui ; l’image de Cléopâtre radieuse et splendide sous son dia-