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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

rité, et s’assied dans sa lumière. Vous qui prétendez que la science unie à la raison est capable de démontrer ; sachez-le bien ! les causes premières sont au-dessus de toute démonstration ; ni l’art, ni la pénétration ne peuvent les saisir. La pénétration ! elle ne s’exerce que sur les choses éventuelles et variables ; l’art ! il est dans l’action et presque aussi dans la théorie ; la contemplation est son domaine. C’est donc par la foi seule, disent nos livres, que l’on peut pénétrer jusqu’aux principes de l’univers ; car toute science peut s’enseigner ; mais on ne peut enseigner que ce que l’on a appris d’avance. Or, le principe de l’univers, énigme pour les Grecs, n’était connu ni de Thalès, qui désignait l’eau comme cause première, ni des autres physiciens qui l’ont suivi. N’est-ce pas Anaxagore qui le premier attribua la création de la matière à l’intelligence ? mais inhabile à défendre la dignité de la cause efficiente, il décrit bientôt je ne sais quels tourbillons insensés, où l’intelligence est réduite à l’inertie et à la passivité. C’est pourquoi le Verbe dit : « N’appelez sur la terre personne votre maître ; » La science est donc un état démonstratif. La foi, au contraire, est une grâce toute spéciale qui nous élève des choses où la démonstration est impossible vers le principe simple, universel, qui n’est point attaché à la matière, qui n’est point caché sous la matière, qui n’est point la matière elle-même. Les incrédules, à ce qu’il semble, arrachent tout du ciel et du monde invisible pour le faire descendre sur la terre, palpant de leurs mains la pierre et l’arbre, selon le langage de Platon. En effet, le doigt placé sur la création sensible, ils n’accordent l’existence qu’à ce qu’ils peuvent saisir et manier ; l’essence et la matière sont pour eux même chose. Et pourtant, adversaires de leur propre système, par une piété invincible, ils prennent la défense de certaines formes incorporelles, perceptibles à la seule intelligence, et qu’ils placent au-dessus de notre sphère dans un monde invisible ; ce sont les essences réelles, disent-ils. « Voilà que je prépare de nouveaux prodiges, s’écrie le Verbe, tels que l’œil n’en a pas vu, ni l’oreille entendu, tels que rien de semblable n’est encore en-