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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

tré dans le cœur de l’homme. » C’est avec un œil nouveau, une oreille nouvelle, un cœur nouveau que les disciples du Seigneur, qui parlent, entendent et agissent selon l’esprit, doivent comprendre par la foi et par l’intelligence tout ce qui peut être vu et entendu. À côté de la bonne se trouve la fausse monnaie ; celle-ci, pour réussir à tromper l’œil inexpérimenté, n’en impose point au changeur ; il a appris par l’usage à reconnaître et à distinguer l’argent de bon ou de mauvais aloi. Ainsi le changeur est seul apte à dire à l’ignorant : Voici la fausse monnaie ; pourquoi et comment ? c’est le secret de son art, que transmettront l’enseignement et l’exercice. Selon Aristote, le critérium de la science, c’est-à-dire le moyen de découvrir la réalité, c’est la foi. La foi est donc supérieure à la science, puisqu’elle en est le critérium. La conjecture, espèce d’opinion indécise, ressemble à la foi, comme le flatteur à l’ami, le loup au chien. Mais lorsque l’artisan voit qu’avec l’étude il devient bon artisan, lorsque le pilote, dressé à la manœuvre, peut enfin tenir le gouvernail, l’un et l’autre tirent cette conclusion que la volonté d’exceller dans un art ne suffit pas ; qu’auparavant il faut obéir et apprendre. Obéir au Verbe que nous avons proclamé notre maître, c’est croire en lui seul, sans résistance, sans contradiction ; car à quel titre opposer notre science à la science de Dieu ? La connaissance a donc pour base la foi, la foi s’unit à la connaissance par une relation divine et dans une sorte d’alliance inséparable.

Épicure lui-même, qui place le plaisir bien au-dessus de la vérité, appelle la foi un préjugé de l’esprit. Il définit le préjugé, un élan de la pensée vers son objet évident, et vers la compréhension manifeste de cet objet. Sans le préjugé, ajoute-t-il, impossible de chercher, de douter, de décider, d’argumenter. Sans préjugé de ce que l’on désire, comment s’instruire dans ce que l’on cherche ? Pour qui en est instruit, le préjugé a déjà fait place à la compréhension. Mais si le disciple ne peut apprendre sans le préjugé qui recueille la doctrine, il a donc des oreilles douées de la faculté de s’ouvrir à la vérité. Heureux qui parle à des oreilles dont il est entendu ; plus heureux