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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

en partage de la prudence. Si par un enchaînement de principes et de déductions méthodiques elle disserte sur ce qui est perceptible uniquement à l’intelligence, c’est alors la dialectique dont le but est de rendre la vérité sensible par l’argumentation et de résoudre les difficultés qui se présentent.

Soutenir avec quelques-uns que ce n’est point Dieu qui a envoyé d’en haut sur notre terre, la philosophie, c’est affirmer, ce me semble, que Dieu ne peut point voir le détail, et qu’il n’est point la cause première de tous les biens, puisque chacun d’eux, pris à part, est un bien isolé, et que rien de ce qui est n’existe sans la volonté de Dieu. Dieu l’a voulu. Donc la philosophie émane de Dieu ; donc il l’a voulue telle qu’elle a été, dans l’intérêt des nations qui n’avaient pas d’autre frein pour s’abstenir du mal. Rien, en effet, n’échappe aux regards de Dieu, ni le présent, ni l’avenir, ni la manière dont chaque être doit exister. Lisant d’avance quels seront les moindres mouvements de ses créatures,

« Il voit tout, il entend tout[1], »

Il regarde à nu dans le fond de toutes les âmes, il a de toute éternité la connaissance la plus lumineuse de chaque individu, attentif à ce qui se passe sur la scène du monde, et dans toutes les parties de la scène. D’un regard il embrasse simultanément l’ensemble et le détail. Tel est Dieu. Néanmoins, quoiqu’il apperçoive d’un seul et même regard tous les êtres à la fois, son opération n’est pas toujours directe ni dominante. Combien de choses dans la vie naissent des combinaisons humaines, après que la main divine y a déposé le germe primitif ! La médecine vous rend la santé ; l’huile du gymnase entretient les forces de votre corps ; les spéculations du commerce accroissent votre fortune. De qui tenez-vous ces biens ? De la Providence sans doute, mais d’une providence qui laisse sa part à l’œuvre de l’homme. Eh bien ! l’intelligence vient aussi de Dieu. Le libre-arbitre de l’homme vertueux obéit surtout à la volonté divine. Le méchant a beau partager avec le juste une multitude d’a-

  1. Iliade, chant III, v. 277.