Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/331

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L’Esprit. Qu’importe la génération présente, si nos enfans sont heureux !

Le Cap. Hélas ! on a tant crié contre nous, pour sept ou huit juifs brûlés mal à propos, certains jours de gala ; pour quelques Mexicains massacrés, à la vérité, sans nécessité ; les 18,000 victimes un peu révolutionnaires de la St. Barthélemi, et les 60,000 émigrés de Louis XIV, qui sont allé faire fortune ailleurs, et vous me parlez du sacrifice d’une génération toute entière ! Savez-vous, mon cher Monsieur, que vous me faites une peur terrible ? est-ce que vous ne vous portez pas bien ?

L’Esprit. J’ai passé la nuit à travailler.

Le Cap. Et moi à dormir, après avoir remercié Dieu de ce que je suis Capucin.

L’Esprit. C’est avoir de la reconnoissance de reste ; tu en as donc un grand fonds ?

Le Cap. Oh oui, Monsieur, il m’en reste pour vous : vous me faites bénir ma philosophie.

L’Esprit. Toujours ce mot que tu profanes. Vois en moi un homme qui a su vaincre toutes ses passions.

Le Cap. Eh bien moi, Monsieur, c’est peut-être parce que j’ai trop aimé la créature que je me suis jeté dans les bras du Créateur : ma dévotion est tendre, superstitieuse. Oh ! Monsieur, écoutez-moi. J’ai vingt-huit ans ; je suis entré au service à seize. J’ai fait la guerre ; je me suis battu ; j’ai eu des aventures : j’ai vu que je portois le trouble dans les familles.

L’Esprit. Il ne manquoit plus que de trouver un fat dans un capucin.

Le Cap. Non, vous m’avez mal compris. Mon