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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. II.

luxe et de sensualité étaient multipliés à un point qui surpasse de beaucoup les efforts de la magnificence moderne[1]. Le marchand ou le fabricant trouvait plus d’avantage à acheter ses ouvriers qu’à les louer. Dans les campagnes, les esclaves étaient employés comme les instrumens les moins chers et les plus utiles de l’agriculture. Quelques exemples viendront à l’appui de ces observations générales, et nous donneront une idée de la multitude de ces malheureux condamnés à un état si humiliant. Un triste événement fit connaître qu’un seul palais à Rome renfermait quatre cents esclaves[2]. On en comptait un pareil nombre dans une terre en Afrique, qu’une veuve d’une condition très-peu relevée cédait à son fils, tandis qu’elle se réservait des biens beaucoup plus considérables[3]. Sous le règne d’Auguste, un affranchi, dont la fortune avait été fort diminuée dans les guerres civiles, laissa après sa mort trois mille six cents paires de bœufs, deux cent cinquante mille têtes de menu bétail, et, ce qui était presque compté parmi les animaux, quatre mille cent seize esclaves[4].

Population de l’empire romain.

Nous ne pouvons fixer avec le degré d’exactitude que demanderait l’importance du sujet, le nombre de

  1. Pignorius, De servis, fait une énumération très-longue de leurs rangs et de leurs emplois.
  2. Tacite, Annal., XIV, 43. Ils furent exécutés pour n’avoir pas empêché le meurtre de leur maître.
  3. Apulée, In Apolog., p. 548, édit. Delph.
  4. Pline, Hist. nat., l. XXXIII, 47.