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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

long-temps les bêtes farouches fuyaient l’aspect de l’homme, et s’étaient retirées loin des grandes habitations : il fallait traverser des déserts pour les surprendre dans leurs retraites ; et on les transportait ensuite, à grands frais, dans Rome, où elles tombaient, avec une pompe solennelle, sous les coups d’un empereur. De pareils exploits ne pouvaient que déshonorer le prince et opprimer le peuple[1]. Ces considérations échappèrent à Commode : il saisit avidement une ressemblance glorieuse, et s’appela lui-même l’Hercule romain. Ce nom paraît encore aujourd’hui sur quelques-unes de ses médailles[2]. On voyait auprès du trône, parmi les autres marques de la souveraineté, la massue et la peau de lion. Enfin l’empereur eut des statues où il était représenté dans l’attitude et avec les attributs de ce dieu dont il s’efforçait tous les jours, dans le cours de ses amusemens féroces, d’imiter l’adresse et le courage[3].

Commode déploie son adresse dans l’amphithéâtre.

Enivré par ces louanges qui étouffaient en lui par degré tout sentiment de respect humain, Commode

  1. Les lions d’Afrique, lorsqu’ils étaient pressés par la faim, infestaient avec impunité les villages ouverts et les campagnes cultivées. Ces animaux étaient réservés pour les plaisirs de l’empereur et de la capitale, et le malheureux paysan qui en tuait un, même pour sa défense, était sévèrement puni. Cette loi cruelle fut adoucie par Honorius, et annullée par Justinien. Cod. Théod., tom. V, p. 92, et Comment. Gothofred.
  2. Spanheim, de Numismat., dissert. XII, t. II, p. 493.
  3. Dion, l. LXXII, p. 1216 ; Hist. Aug., p. 49.