Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/494

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officiers de l’armée ouvraient la marche à la tête de leurs troupes ; ils étaient suivis d’une longue file de magistrats et d’officiers de l’ordre civil ; les eunuques et les domestiques formaient la garde de l’empereur, le patriarche et son clergé le recevaient solennellement à la porte de l’église. On n’abandonnait pas le soin des applaudissemens aux voix grossières et aux acclamations spontanées de la multitude ; des troupes de Bleus et de Verts étaient placées convenablement sur le passage de l’empereur, et la fureur de leurs débats, qui avaient jadis ébranlé la capitale, s’était insensiblement changée en une émulation de servitude. Ils se répondaient les uns les autres par des chants à la louange de l’empereur ; leurs poètes et leurs musiciens dirigeaient le chœur, des vœux de longue vie[1] et des souhaits de victoires formaient le refrain de chaque couplet. L’audience, le banquet, l’église retentissaient des mêmes acclamations ; et comme pour attester l’étendue illimitée de la domination du prince, elles étaient répétées en latin[2], dans la langue des Goths, des Persans, des Français et même des Anglais, par des merce-

  1. Πολυχρονιζειν, mot qu’on a expliqué par celui de ευφημιζειν (Codin., c. 7 ; Ducange, Gloss. græc., t. I, p. 1199).
  2. Κωνσ‌τερβετ Δεο‌υς ημπεριυμ βεσ‌τρο‌υμ — βικτορ σις σεμπερ — βηβητε Δομινι Ημπερατορες ην μυλτος αννος (Cœremon., c. 75, p. 215). Les Grecs n’ayant pas le V latin, furent obligés de se servir de leur β. Ces étranges phrases ont pu embarrasser quelques professeurs jusqu’au moment où ils y auront démêlé le véritable langage.