Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/59

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l’œil du génie put l’éclairer sur des objets invisibles à ses grossiers compagnons ; son esprit fécond put recevoir les germes de quelques connaissances ; mais son ignorance de l’idiome syriaque dut réprimer beaucoup sa curiosité, et je ne remarque pas dans la vie et les écrits de Mahomet que ses vues se soient jamais étendues au-delà des bornes de l’Arabie. La dévotion et le commerce amenaient toutes les années à la Mecque des pèlerins de chaque canton de cette partie solitaire du globe. Les libres communications établies parmi cette multitude d’individus, pouvaient fournir à un simple citoyen les moyens d’étudier dans sa propre langue l’état politique et le caractère des diverses tribus, la théorie et la pratique des Juifs et des chrétiens. Les Arabes pouvaient avoir eu l’occasion d’exercer l’hospitalité envers quelques étrangers utiles, conduits chez eux par le goût ou la nécessité ; et les ennemis de Mahomet ont nommé un Juif, un Persan et un moine syrien, qu’ils accusent d’avoir travaillé en secret à la composition du Koran[1]. La conversation enrichit l’entendement, mais la solitude est l’école du génie, et l’uniformité d’un ou-

  1. Je n’ai pas le temps d’examiner les fables et les conjectures qui ont été mises en avant sur le nom de ces étrangers, qu’accusent ou soupçonnent les infidèles de la Mecque. (Koran, c. 16, p. 223 ; c. 35, p. 297, avec les remarques de Sale ; Prideaux, Vie de Mahomet, p. 22-27 ; Gagnier, Not. ad Abulféda, p. 11-74 ; Maracci, t. II, p. 400). Prideaux lui-même a observé que ces arrangemens durent être secrets, et que la scène se passa au centre de l’Arabie.