Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/241

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accepterez une rançon et vous me rendrez à mon pays. — Mais, continua le sultan, comment m’auriez-vous traité, si le sort de la guerre vous eût été favorable ? » La réponse du prince grec fut dictée par un sentiment que la prudence, et même la reconnaissance, auraient dû l’engager à taire. « Si je t’avais vaincu, répondit-il fièrement, je t’aurais fait charger de coups. » Le vainqueur sourit de l’insolence de son captif ; il observa que la loi des chrétiens recommandait pourtant d’aimer ses ennemis et de pardonner les injures, et ajouta noblement qu’il ne suivrait pas un exemple qu’il désapprouvait. Arslan dicta, après un mûr examen, les conditions de la paix et de la liberté de l’empereur ; il exigea une rançon d’un million de pièces d’or, et un tribut annuel de trois cent soixante mille[1], le mariage des enfans des deux princes, et la délivrance de tous les musulmans qui étaient au pouvoir des Grecs. Romanus signa en soupirant ce traité si honteux pour l’empire ; on le revêtit ensuite d’un cafetan d’honneur ; on lui rendit ses nobles et ses patriciens ; et Arslan, après l’avoir embrassé d’une manière affectueuse, le renvoya avec de riches présens et une garde militaire. Romanus, arrivé aux frontières de l’empire,

  1. Les Orientaux attestent la rançon et le tribut, qui sont bien vraisemblables. Les Grecs gardent modestement le silence, si l’on en excepte Nicéphore Bryennius, qui ose assurer que les articles étaient ο‌υκ αναξιας Ρομαιων αρχης, et que l’empereur aurait préféré la mort à un honteux traité.