Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/463

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est éloignée d’environ soixante-dix milles, devint la métropole des Latins orientaux ; ils l’ornèrent de bâtimens vastes et solides, l’environnèrent d’un double mur, et y construisirent un poste artificiel. Des fugitifs et de nouveaux pèlerins en augmentèrent la population. Durant les suspensions d’hostilités, sa position favorable au commerce attirait celui de l’Orient et de l’Occident : on trouvait dans ses marchés les productions de tous les climats, et des interprètes de toutes les langues ; mais ce mélange de toutes les nations amenait et propageait aussi tous les vices. De tous les disciples de Jésus et de Mahomet, les habitans des deux sexes de la ville d’Acre passaient pour les plus corrompus, et les lois n’étaient pas assez puissantes pour y restreindre l’abus de la religion. La ville avait plusieurs souverains et point de gouvernement. Les rois de Jérusalem et de Chypre, de la maison de Lusignan, les princes d’Antioche, les comtes de Tripoli et de Sidon, les grands-maîtres de l’Hôpital, du Temple et de l’ordre teutonique, les républiques de Venise, de Gènes, de Pise, le légat du pape, les rois de France et d’Angleterre, y prétendaient tous à une autorité indépendante. Dix-sept tribunaux y exerçaient le droit de vie et de mort, et les coupables d’un quartier se réfugiaient dans l’autre, où ils ne manquaient jamais d’obtenir protection. La jalousie des différentes nations donnait lieu souvent à des violences et à des scènes sanglantes. Quelques aventuriers, déshonorant la croix qu’ils portaient, sup-