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la race des Francs ; la première, belle-sœur de l’empereur Conrad, et l’autre, fille du prince d’Antioche. Il obtint pour son fils Alexis une fille de Philippe-Auguste, roi de France, et il donna sa fille à un marquis de Montferrat, qui avait été élevé dans le palais de Constantinople et revêtu des dignités de la cour. Ce prince grec aspirait à la conquête de l’Occident dont il avait combattu les armées ; il estimait la valeur des Francs, se fiait à leur fidélité[1], et récompensait assez singulièrement leurs talens militaires par des offices lucratifs de juges et de trésoriers. La politique de Manuel lui suggéra de solliciter l’alliance du pape, et la voix publique l’accusa de partialité pour la nation et la religion des Latins[2]. Sous son règne et sous celui de son successeur Alexis, on les désignait également sous les noms odieux d’étrangers, d’hérétiques, ou de favoris. Ce triple crime fut sévèrement expié dans le tumulte qui an

  1. Nicétas, in Manuel, l. VII, c. 2. Regnante enim (Manuele)… apud eum tantam latinus populus repererat gratiam ut neglectis Græculis suis tanquam viris mollibus effæminatis… solis Latinis grandia committeret negotia… erga eos profusâ liberalitate abundabat… ex omni orbe ad eum tanquam ad benefactorem nobiles et ignobiles concurrebant. (Guillaume de Tyr, XXII, c. 10).
  2. Les soupçons des Grecs auraient été confirmés s’ils eussent vu les lettres politiques de Manuel au pape Alexandre III, l’ennemi de son ennemi Frédéric Ier, dans lesquelles l’empereur déclare le désir de réunir les Grecs et les Latins en un seul troupeau sous un seul berger, etc. Voy. Fleury, Hist. ecclés., t. XV, p. 187, 213-243.