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la détresse de Jeanne Ire, reine de Naples et comtesse de Provence, pour acheter la souveraineté d’Avignon, qu’ils ne payèrent que quatre-vingt mille florins[1]. À l’ombre de la monarchie française, et au milieu d’un peuple obéissant, les papes retrouvèrent cette existence honorable et tranquille à laquelle ils étaient depuis si long-temps étrangers. Mais l’Italie déplorait leur absence ; et Rome, solitaire et pauvre, dut se repentir de cet indomptable esprit de liberté qui avait chassé du Vatican le successeur de saint Pierre. Son repentir trop tardif devenait inutile. Lorsque le sacré collége eut perdu ses vieux membres, il se remplit de cardinaux français[2] qui virent Rome et l’Italie avec horreur et mépris, et perpétuèrent une suite de papes pris dans

  1. Si une possession de quatre siècles ne formait pas un titre, de pareilles objections pourraient rendre le marché nul ; mais il faudrait rendre la somme, car elle fut payée. Civitatem Avenionem emit… per ejusmodi venditionem pecuniâ redundantes, etc. (Secunda vit. Clement. VI, in Baluze, t. I, p. 272 ; Muratori, Scriptor., tom. III, part. II, p. 565). Jeanne et son second mari ne furent séduits que par l’argent comptant, sans lequel ils n’auraient pu retourner dans leur royaume de Naples.
  2. Clément V fit tout de suite une promotion de dix cardinaux, neuf Français et un Anglais. (Vit. quarta, p. 63, et Baluze, p. 625, etc.) En 1331 le pape refusa deux prélats recommandés par le roi de France. Quod XX cardinales, de quibus XVII de regno Franciæ originem traxisse noscuntur, in memorato collegio existant (Thomassin, Discipl. de l’Église, t. I, p. 1281).