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jamais de priver les sujets de l’empire du culte sacré de leurs ancêtres[1]. » Le sénat conservait l’usage de consacrer, par des décrets publics, la mémoire divine des empereurs ; et Constantin lui-même fut associé, après sa mort, aux dieux qu’il avait désavoués et insultés durant sa vie. Sept empereurs chrétiens acceptèrent sans difficulté le titre, les décorations et les priviléges de l’office de grand pontife, institué par Numa et adopté par Auguste. Ces princes eurent une autorité plus absolue sur la religion qu’ils avaient abandonnée que sur celle qu’ils professaient[2].

Les divisions des chrétiens suspendirent la ruine du paganisme[3]. Les princes et les évêques, effrayés

  1. Symmaque, epist. X, 54.
  2. La quatrième dissertation de M. de La Bastie, sur le souverain pontificat des empereurs romains, dans les Mém. de l’Acad., XV, 75-144, est très-savante et très-judicieuse. Elle présente l’état du paganisme depuis Constantin jusqu’à Gratien, et prouve que durant cette période il jouit du bienfait de la tolérance. L’assertion de Zosime, que Gratien fut le premier qui refusa la robe pontificale, est prouvée démonstrativement ; et les murmures de la bigotterie à ce sujet sont presque réduits au silence.
  3. Comme je me suis servi librement, par anticipation, des mots de païens et de paganisme, je vais donner au lecteur un exposé des révolutions singulières qu’ont éprouvées dans leur signification des expressions si connues. 1oΠαγη en dialecte dorique, familier aux Italiens, signifiait une fontaine ; et les campagnards du voisinage qui visitaient la fontaine, en tiraient la dénomination générale de pagus et pagani. (Festus, sub voce ; et Servius, ad Virgil. georgic. II,