Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/339

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tête, et il fait avec satisfaction l’éloge de sa barbe touffue et habitée, qu’il chérit, à l’imitation des philosophes de la Grèce[1]. Si Julien eût suivi les principes du bon sens, le premier magistrat des Romains aurait également dédaigné l’orgueil de Diogène et la vanité de Darius.

Chambre de justice.

Mais l’ouvrage de la réforme publique serait resté imparfait, si, en corrigeant les abus du règne précédent, Julien eût négligé d’en punir les crimes. « Nous sommes enfin délivrés, dit ce prince dans une lettre à un de ses amis familiers, nous sommes miraculeusement délivrés de la gueule dévorante de l’hydre[2]. Ce n’est point mon frère Constance que je prétends désigner par cette épithète. Il n’est plus ; que la terre repose légèrement sur sa tête ! mais ses perfides et barbares favoris passaient leur vie à tromper et à irriter un prince dont il serait difficile de

  1. Dans le Misopogon, p. 338, 339, il fait un singulier portrait de lui-même, et les mots suivans sont étrangement caractéristiques, αυτος προσεθεικα τον βαθυν το‌υτονι ϖωγωνα… ταυτα τοι διαθεοντων ανεχομαι των φθειων οσπερ εν λοχμη των θηριων. Les amis de l’abbé de La Bléterie le conjurèrent, au nom de la nation française, de ne pas traduire ce passage, qui choquait trop fortement leur délicatesse. (Hist. de Jovien, t. II, p. 94.) J’ai usé de la même discrétion, et me suis contenté d’une légère allusion ; mais le petit animal que nomme Julien est un insecte familier à l’homme et un emblème d’affection.
  2. Julien, epist. XXIII, p. 389. Il se sert des mots πολυκεφαλον υδραν, en écrivant à son ami Hermogène, à qui les poètes grecs étaient, comme à lui, très-familiers.