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DÉFENSE DE L’ÉGLISE.

gneurs renoncèrent-ils à leurs propriétés parce que les colons y devenaient chrétiens ? Renvoyèrent-ils leurs esclaves quand ces malheureux eurent reçu le baptême ? Certainement non. Pourquoi donc ces mêmes motifs les auraient-ils fait renoncer à leur pouvoir civil ? Puis, pourquoi la supposerions-nous molle et effrayée à la vue des classes inférieures converties, cette aristocratie que M. de Saint-Priest fera bientôt lutter avec succès, dans les élections, contre les affections religieuses du peuple, qui, selon noire historien, voulait pour évêques des moines, et à qui l'on ne donnait que des nobles ?

Je ne saisis pas bien ce que M. de Saint-Priest veut dire par ces mots que les campagnes enfantèrent un peuple nouveau qui demanda de nouveaux titres à ses maîtres. Les villageois sentirent leur destinée s’adoucir peu à peu par la force même des choses : leur esclavage se transforma en servage ; mais ils restèrent comme avant attachés à la glèbe, tandis que, d’autre part, parmi les hommes libres s’établissait une certaine hiérarchie de pouvoirs qui aida plus tard à constituer la féodalité. En tout cela rien ne ressemble aux menaces d’une jacquerie contre la noblesse.

Quand on songe au sacrifice que, dans la nuit du 4 août 1789, la noblesse de la Constituante fit de ses privilèges, on en est peu surpris ; car, sans compter que tout cœur généreux appelait des réformes sociales, ce qui se passait autour de l’assemblée ne permettait guère d’hésiter. Mais qu’au cinquième et au sixième siècles, cette aristocratie qui avait fourni jusqu’alors à l’Etat tant de généraux, de gouverneurs de province, de préfets, de patrices, de consuls, d’empereurs, et qui, par la dislocation de l’empire, voyait décupler son action dans les provinces, se soit tout à coup surprise nulle, incapable, impuissante, et cela parce que les populations devenaient chrétiennes aussi bien qu’elle, l’assertion est inadmissible, et il est difficile de n’en pas sourire comme d’un paradoxe beaucoup trop bizarre.