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deuxième volume 1915-1920

sa thèse. À L’Abitation, ce jour-là, il se contente de me l’esquisser, mais de façon assez nette. L’heure de la bataille, selon lui, est passée. C’est l’heure des négociations. Il ne nie pas le mérite des lutteurs. Mais la lutte finie, leur devoir est de s’effacer dans l’intérêt de la Cause. D’ailleurs la décision du gouvernement torontois est formelle : il ne négociera pas avec les hommes qui lui ont fait une guerre sans merci. Ainsi parle le grand vicaire. Mais que puis-je faire en l’aventure ? Et pourquoi me vient-on porter ces confidences ? Mon visiteur s’en explique franchement. Il me tient à peu près ces propos : « Vous avez de l’autorité auprès de nos amis du Droit et de l’Association d’Éducation. Vous vous êtes mêlé à nos luttes. Dans l’intérêt de la Cause, nous vous prierions de ne pas nous nuire et même d’intervenir auprès des hommes que vous savez, pour les amener à se désister. »

J’invoque aussitôt ma répugnance à me mêler d’affaires qui relèvent avant tout de nos amis d’Ottawa. Je mets en doute l’opportunité de risquer ma petite influence dans un débat où je ne vois pas très clair. Le grand vicaire me reproche trop de modestie et reprend son plaidoyer avec plus de vigueur. Dès lors, j’aperçois la pénible bataille en train de s’engager. Bataille douloureuse, lamentable s’il en fut. Guerre sans pitié, menée à coups d’insinuations et d’accusations perfides, comme toute guerre fratricide. Guerre qui devait jeter les uns contre les autres d’anciens compagnons d’armes. Le plus ardent à demander l’expulsion du Père Charlebois du journal Le Droit sera le Père Georges Simard, o.m.i, celui-là même qui, dans L’Action française, sous le pseudonyme d’Aurèle Gauthier, m’avait fait la chronique de la lutte ontarienne et qui, pendant longtemps, passera, à bon marché, il est vrai, pour un chef d’école à l’Université d’Ottawa. La bataille aboutira à faire expulser du Droit l’éminent religieux qui avait dirigé le journal aux heures les plus critiques. On chassera, de même, de la Commission scolaire, l’homme courageux qui, à un certain moment, pour sauver la situation, avait pris le ris-