Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/186

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révélateur de La Fontaine, au lendemain de ses adieux à la politique canadienne ? Amené par un tour d’Europe à Florence, l’homme d’État y rencontre un jeune artiste canadien en séjour d’étude. Un soir on cause des affaires du pays. « Mais votre sortie de la politique, dit à l’ancien ministre le jeune Napoléon Bourassa, a dû susciter en notre pays un profond mouvement ? » Et le politique en retraite de répondre : « En fait de mouvement, mon jeune ami, je n’ai vu que celui des gens qui s’en venaient prendre ma place ».

Moins de huit ans de régime parlementaire, aggravés d’une participation trop impréparée, peut-être, au gouvernement du pays, nous avaient amenés à ce degré d’abjection morale. Qui sait si « l’O’Connell tail-system » ne nous aurait pas sauvés de ce péril et de quelques autres ? Plus intacts dans leurs mœurs publiques, moins entamés par les déprimantes alliances de partis, les Canadiens français n’eussent-ils pas été en de meilleures dispositions morales pour débattre les problèmes de la Confédération, pour conclure ce pacte solennel avec un optimisme moins naïf que celui des « illustres pères » ?

La Confédération, ce ne fut point, du reste, le dénouement souhaité par Papineau à l’Union des deux Canadas. À ce moment de notre histoire, l’idéologie démocratique trouble entièrement la vue du grand homme. Il en vient à prêcher une doctrine aussi antipatriotique que l’annexion aux États-Unis. Et c’est un mystère de la pensée de cet homme qui aima pourtant passionnément son pays et sa race. Comment son esprit s’est-il acheminé à ce fourvoiement ? Papineau garda jusqu’à la fin, du moins jusqu’à la guerre de Sécession, une admiration absolue aux institutions politiques