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les ruines de l’église de messines

— Déjà ? dit la jeune fille.

— Un supérieur doit donner l’exemple, n’est-ce pas ? répondit Paul. Oui, oui, il est temps… Nous devrons d’ailleurs nous hâter.

Il était pourtant fortement émotionné. Ce départ lui parut plus triste que le premier au mois d’août ; c’était comme s’il avait le pressentiment du terrible drame, qui allait se dérouler à l’Yser.

Antoine Deraedt salua la jeune fille.

Glissant une bague de ses doigts, Berthe lui demanda :

— Voulez-vous garder ce petit présent comme un souvenir de votre bravoure ?

— Avec plaisir, Mademoiselle, dit le soldat, rougissant.

Vivement, il suivit M. Lievens dans le corridor, étouffant un sanglot ; il était encore sous l’impression de l’adieu de ses parents à la ferme d’Eessen.

Berthe et Paul étaient encore une fois seuls.

— Tu vas donc me quitter, dit la jeune fille en pleurant. Oh, que c’est cruel !…

— Sois courageuse, Berthe, dit le lieutenant. Nous avons tous deux un lourd devoir à remplir, mais Dieu nous protègera…

Elle se jeta sur sa poitrine et l’enlaça de ses bras.

Paul l’embrassa tendrement, l’amour se réflétait dans ses yeux et lui labourait le cœur comme une arme tranchante.

C’est maintenant surtout qu’il éprouvait une vive crainte pour la bataille, pour la mort, pour la séparation.

Il eut la sensation que c’était un adieu suprême, mais il se raffermit et dit :

— Berthe, je dois partir. Que Dieu te protège… qu’il nous protège tous deux et qu’il nous réunisse !

Berthe se cramponna davantage à lui, mais il se dégagea doucement, car le devoir l’exigeait…

Il la conduisit à un fauteuil, l’embrassa encore une fois et étouffant un sanglot, il quitta la chambre.

— Paul ! Paul ! cria Berthe, ainsi qu’une mère, dont on enterre un enfant…

Elle se lança sur ses traces…

— Consolez Berthe, dit le lieutenant à M. Lievens, qui laissa sortir les militaires.

— Est-il parti, est-il déjà parti ? criait Berthe en pleurant. Papa !…

— Le devoir les appelle, Berthe… Viens avec moi dans la chambre et sois raisonnable, ma fille, balbutia M. Lievens tout ému.

Verhoef et Deraedt marchaient alertement par les rues de Dixmude.

— Cet adieu est particulièrement triste, dit le lieutenant.

— Oui… Ma mère était quasi folle de douleur, répondit Antoine. J’ai dû me sauver. Et mon père ne veut pas fuir… Il restera à la ferme aussi longtemps qu’il pourra. Heureusement mes sœurs sont parties pour Furnes.

— C’est le meilleur parti qu’elles avaient à prendre…

— Écoutez, on tire…

Le canon se faisait entendre. La bataille était engagée.



(à suivre)