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Te rappelles-tu l’église dont nous étions si fiers pour ses trésors, la gloire de la région ! Et le superbe jubé, dont on fit enlever l’orgue, de crainte que son tremblement ne l’endommagea. Encore quelques bombes et ce merveilleux trésor sculptural, qui ressemble à de la dentelle, ne sera plus ! Ce qui est advenu du Jordaens qui ornait l’église, je l’ignore ; je présume qu’on l’aura mis en sûreté.


Bataille de Keyem.

Les dommages causés à Dixmude sont inestimables !…

Ce n’est que le 20 octobre que nous avons pu quitter la ville, après avoir séjourné pendant 12 jours dans la cave.

Nous avons hissé sur une charrette le père et la mère B…, pauvres vieux dénués de toutes ressources et nous avons franchi le pont du Marché aux Pommes, qui a beaucoup souffert de la mitraille. L’auberge Au Passeur gisait au milieu du Marché aux Pommes et nous avons eu toutes les difficultés imaginables pour continuer notre chemin parmi toutes ces ruines éparpillées. Ce n’était pourtant qu’un début…

Sur la digue des Saules, un rempart de poutres, de quartiers de briques et de pierres de taille entravaient la circulation. Il nous fallut plus d’une demie heure de travail avant que nous nous eûmes frayé un passage. Une vingtaine de mètres plus loin, c’était la même chose.

Rompus de fatigue et littéralement trempés de transpiration nous arrivâmes enfin aux Lindekens. Les obus y avaient creusé des entonnoirs d’au moins cinq mètres de diamètre et de deux mètres de profondeur.

Nous étions de nouveau en panne.

Un brave soldat vint à notre aide. Il prit la femme B… comme un enfant et la porta par delà les endroits dangereux. « Et, maintenant, c’est au tour de bon-papa » dit-il en riant. « Oui, mon ami, c’est la guerre, nous devons tous être courageux ». Dans l’entretemps, je luttais avec la charrette que je parvins enfin à faire franchir les obstacles. Nous continuâmes notre chemin. Au Haut-Pont nous pûmes heureusement passer quoique l’eau baignait notre « auto ».

Je dus souffler un instant. Si on m’eut présenté 100 francs pour lever du sol, un fardeau de 10 kilos et le poser sur la charrette, j’eus certes essayé, mais je n’aurais pas réussi.

Nous avions mis une heure et demie pour faire ce trajet de dix minutes. C’est vous dire que cela n’allait pas à l’aise.

Mon repos fut de courte durée. On disait que nous avions déjà resté trop longtemps à Dixmude. C’était vrai, mais il faut convenir qu’on tient pourtant à sa maison et à ses biens, n’est-ce pas ?

Et notre caravane se mit à nouveau en mouvement ! Arrivés à la Barrière nous dûmes suivre trois soldats à cheval, qui nous conduisirent à Furnes le long du chemin de fer, où notre charrette s’enfonça à plusieurs pouces de profondeur dans les cendres. Nous atteignîmes ainsi Oostkerke et arrivâmes à Furnes par Eggewaerts-Capelle.

Notre petite troupe s’était accrue entretemps. Des femmes et des enfants pleurant de fatigue, nous accompagnaient, mais on ne pouvait relayer en présence du danger.

C’est ainsi que nous quittâmes Dixmude.

« Nous sommes assez loin, maintenant » pensions-nous en arrivant à Furnes.

Il n’en fut rien, car bientôt les Allemands bombardaient également cette ville d’un endroit camouflé aux environs.

je n’avais nulle envie de me blottir à nouveau dans une cave. Mais je ne voulais pourtant pas quitter la Belgique, et nous nous retirâmes plus au sud, à Hoogstade (entre Furnes et Ypres) où nous sommes encore.

Nous n’oublierons pas noire « fuite en Égypte », vous pouvez me croire.

Pourvu que le jour naisse enfin où nous aurons l’occasion d’aller constater ce qui nous reste !