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BOURSES DE VOYAGE

Ils ne le regretteraient pas, d’ailleurs, et un post-scriptum de la lettre, qui fut communiquée par M. Julian Ardagh, montra jusqu’où Mrs Kethlen Seymour poussait la générosité.

En effet, en dehors des dépenses qu’occasionnerait ce voyage, — dépenses qu’elle prenait entièrement à sa charge, — une somme de sept cents livres[1] serait remise à chacun d’eux au départ de la Barbade.

Quant à la durée dudit voyage, le temps des vacances y suffirait-il ?… Oui, à la condition d’en devancer d’un mois le début réglementaire, — ce qui permettrait de franchir l’Atlantique en belle saison à l’aller comme au retour.

Au total, rien de plus acceptable que ces conditions, qui furent accueillies avec enthousiasme. Il n’y avait point à craindre que les familles fissent des objections à un déplacement si agréable et si profitable à tous les points de vue. De sept à huit semaines, c’était la limite que l’on pouvait lui assigner en tenant compte des retards possibles, et les jeunes boursiers reviendraient en Europe, le cœur plein des inoubliables souvenirs de leurs chères îles du Nouveau-Continent.

Enfin, une dernière question se posait sur laquelle les familles furent bientôt fixées. Est-ce que les lauréats seraient livrés à eux-mêmes, eux dont les plus âgés n’avaient point encore dépassé leur vingtième année ?… En somme, lorsque la main d’un maître ne serait plus là pour les rapprocher, pour les contenir ?… Lorsqu’ils visiteraient cet archipel appartenant aux divers États européens, n’y avait-il pas à craindre des jalousies, des heurts, si quelque question de nationalité se soulevait ? … Oublieraient-ils que tous étaient d’origine antilienne, pensionnaires de la même école, alors que l’intervention du sagace et prudent M. Ardagh ne pourrait plus se produire ? …

C’est un peu aux difficultés de ce genre que songeait le directeur d’Antilian School, et s’il ne lui était pas loisible d’accompagner ses élèves, il se demandait qui saurait le remplacer dans une tâche parfois difficile…

C’était là, du reste, un des côtés de la question qui n’avait point échappé à l’esprit très pratique de Mrs Kethlen Seymour. Aussi verra-t-on comment elle l’avait résolue, car la prudente dame n’eût jamais admis que ces jeunes garçons fussent soustraits à toute autorité pendant ce voyage.

Et, maintenant, comment s’effectuerait-il à travers l’Atlantique ?… Serait-ce à bord de l’un des paquebots qui font un service régulier entre l’Angleterre et les Antilles ?… Des places y seraient-elles prises, des cabines retenues, au nom de chacun des neuf lauréats ? … On le répète, ils ne devaient point voyager à leurs frais, et même aucune dépense de cette sorte ne devait être imputée sur les sept cents livres qui leur seraient remises, lorsqu’ils quitteraient la Barbade pour revenir en Europe.

Or, dans la lettre de Mrs Kethlen Seymour se trouvait un paragraphe qui répondait à cette question et dans les termes suivants :

« Le transport à travers l’Océan sera payé de mes propres deniers. Un navire, frété pour les Antilles, attendra ses passagers dans le port de Cork, Queenstown, Irlande. Ce navire, c’est l’Alert, capitaine Paxton, qui est prêt à prendre la mer et dont le départ est fixé au 30 juin. Le capitaine Paxton compte recevoir ses passagers à cette date, et il lèvera l’ancre dès leur arrivée. »

Jules Verne.

(La suite prochainement.)

  1. 17 500 francs.