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les Laminaria buccinaris et les gigantesques Durvillea.

Parmi ces algues dont nous n’avons raconté l’histoire que dans sa généralité physiologique et sans désignation d’espèces spéciales, il en est qui sont devenues célèbres en raison des stations qu’elles affectionnent et qu’ont signalées les navigateurs. Telles, entre autres, sont celles qui avoisinent les Açores. C’est là que s’allongent ces fucus d’un vert noirâtre dont les lanières ondulent avec les flots ou s’amoncellent sur les rochers, alors que le balancement rythmique des marées, tantôt les rejette à la côte, tantôt les ramène vers la haute mer. C’est encore là que flottent ces laminaires que les anciens appelaient la « ceinture de Neptune » ou « l’écharpe de Téthys » et dont les larges rubans passaient, aux âges crédules, pour les fouets des sorcières de la Norvège et de l’Islande, alors qu’elles parcouraient les mers orageuses, montées sur leurs hippocampes fantastiques.

Certains bancs de fucacées s’étendent à la surface des eaux comme de véritables prairies, sur le feutre épais desquelles l’on serait tenté de s’aventurer, tant elles paraissent solidement enchevêtrées.

Ces colossales agglomérations d’algues ont reçu des noms particuliers. Qui ne connaît, au moins de nom, cette Mer des sargasses d’une superficie à peu près égale à six fois celle de la France, et qui s’étale entre les Açores, les Canaries et les îles du Cap-Vert ? Christophe Colomb, engagé dans cette mer étrange qui entravait la marche de ses navires, eût rétrogradé, s’il eût écouté les plaintes de son équipage épouvanté par la vue d’un spectacle aussi extraordinaire. Une autre agglomération d’algues à peu près aussi considérable s’étend dans l’océan Pacifique, non loin des côtes de la Californie.

Ces fucus, soit qu’ils se multiplient naturellement dans ces stations dont les eaux et les conditions climatériques leur conviennent sans doute, soit qu’ils y aient été poussés par les vents et les courants marins, y forment comme d’énormes banquises végétales qui flottent sur les hautes mers, emportant, d’un hémisphère à l’autre, des myriades d’animaux de toutes sortes, jusqu’à ce qu’elles finissent par se réunir dans les régions les plus calmes des océans, où se constituent des centres de vie et de reproduction bien autrement vastes et riches que les plus immenses forêts de la terre.

Ce n’est pas seulement à la surface des mers que l’on trouve ces algues coutumières de latitudes diverses. La flore sous-marine est presque entièrement composée par les représentants de cette opulente famille qui, depuis les petites ectocarpées tapissant les bas-fonds vaseux, jusqu’aux gigantesques fucus porte-poires longs parfois de quatre ou cinq cents mètres, peuplent les marais, les lacs, les fleuves et les océans.

Il n’est guère de plages où ne se rencontrent quelques-uns des types les plus remarquables de cette magnifique série végétale ; mais c’est particulièrement sur les côtes de l’océan Pacifique que le plongeur peut contempler, dans son originale beauté, cette flore sous-marine qui dépasse en richesse les paysages les plus pittoresques des zones tropicales. Formes, couleurs, balancements gracieux, tout étonne dans ce monde incomparable.

Il y a là d’immenses prairies formées par des myriades de petites conferves feutrées comme un tapis de velours. Nuancées de tous les tons verts imaginables, rehaussées par l’ample frondaison de la laitue de mer, elles se teintent des chatoyants reflets de la rose marine ou des lueurs écarlates que jettent les iridées.

À cette opulente agglomération, s’ajoutent les grandes thalassiophytes avec leurs éventails de feuilles rouges, vertes ou jaunes. Au-dessus, flottent les souples rubans des laminaires, plus haut encore, les fières alariées dont la tige garnie d’une collerette de