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Raison de plus pour se hâter.

Le parc deviendrait inabordable aux intrus, si les maîtres s’avisaient de résider en ce pays !

Et, depuis cinq jours que ses parents étaient repartis, dès l’aube, alors que tout le monde la croyait endormie, Clairette se glissait à pas de velours dans son placard, franchissait le volet, et travaillait.

Trois ans auparavant, une sorte de sentier, creusé entre les saillies du roc, permettait de descendre sans risques trop sérieux, à la condition de se cramponner aux branches des sapins qui se tendaient, comme des bras protecteurs, à droite et à gauche.

Mais en ces trois années le sentier s’était comblé. Il y croissait de l’herbe, des touffes de bruyère ; la circulation était devenue à peu près impossible.

S’en rendant compte, Claire s’était procuré un vieux balai, une pelle et s’était mise à l’œuvre.

Elle enleva d’abord une couche d’humus de quelques centimètres. Ce premier travail rétablit la rigole dans l’état où elle l’avait trouvée jadis.

Ayant eu la curiosité d’enfoncer plus profondément sa pelle, la jeune fille s’aperçut que le passage aérien avait du être, en son état primitif, beaucoup plus encaissé, partant, moins dangereux.

Et elle résolut d’aller jusqu’au bout de son nettoyage.

À la quatrième séance, un dernier coup de balai donné sur un espace d’environ deux mètres à partir du toit, amena au jour des sortes de degrés taillés dans le rocher, de main d’homme, et régulièrement espacés.

Cette découverte laissa Claire plus intriguée que jamais.

Est-ce que son grand-père, du temps qu’il était régisseur, se serait préparé ce chemin dans le but d’avoir accès chez les de Kosen sans faire le grand tour ? Peut-être… Aucune voie directe ne reliant le château à la maison Andelot, cette idée avait pu lui venir.

Il était même bien surprenant, à y songer, que les communications n’eussent pas été plus commodément établies entre gens ayant souvent affaire ensemble.

On devait aller jusqu’au second lacet, avant que le chemin ne s’embranchât à la route plus spacieuse aboutissant au petit castel. La clôture du parc était fortifiée d’un saut de loup profond et large, et, à l’exception de la barrière ouvrant sur le sentier escarpé qui descendait vers la Méjeame, tout à fait à l’opposé, on n’avait accès au château que par la grille située à gauche du terre-plein, sur lequel donnait la façade principale.

Oui… ce pouvait être l’explication logique du passage secret. Mais alors, pourquoi ce mystère ?

Si c’était grand-père Andelot qui avait imaginé ce moyen de s’éviter quelque fatigue, pourquoi ce placard posé justement là où l’on avait accès sur cet escalier ? Et si c’était depuis la mort du grand-père qu’on avait posé le placard, pourquoi cette porte ménagée à l’intérieur du meuble, et habilement dissimulée, certes ?

Personne n’avait plus à passer par là, pour un motif de surveillance ; personne n’avait même plus le droit de pénétrer dans le parc, depuis qu’un autre en était devenu le régisseur.

Autant de raisons pour déblayer de fond en comble le petit escalier.

Qui sait s’il ne livrerait pas le « parce que » de tous ces « pourquoi » ?

La jeune fille s’y appliquait donc avec entrain, et d’autant mieux qu’en surplus de sa curiosité à satisfaire, elle avait l’espoir que les de Kosen s’ennuieraient bientôt de leur solitude, et ne feraient qu’une apparition en leur castel de Vielprat ; ce qui lui rendrait la libre circulation dans le parc.