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LE MANOIR

— Alors, mon vieux sorcier, je vous ferai débarrasser de votre tête en récompense de ce que vous avez déjà fait. Croyez-moi, bon père, soumettez-vous à votre destinée et composez quelques onces de cette drogue. Ne m’avez-vous pas dit qu’une petite dose de manne du Liban ne peut être mortelle, et qu’elle produit seulement un abattement passager, et cela sans danger pour la vie ?

— Oui, pourvu qu’on ne dépasse point une certaine dose, et qu’on surveille les symptômes, afin d’administrer l’antidote au besoin.

— C’est bien, Théodorus ; vous réglerez vous-même la dose et en surveillerez les effets, et vous recevrez en retour une récompense magnifique, à condition qu’elle n’ait rien à craindre pour sa vie.

— Elle ? répéta l’alchimiste ; c’est donc une femme ?

— En effet, c’est une femme. Comprenez bien. Elle peut d’un moment à l’autre être appelée aux Trois-Rivières, et il faut qu’elle n’y paraisse pas. Or, comme ses propres désirs pourraient ne pas s’accorder avec la raison, il importe de la retenir à la Rivière-du-Loup. Voilà le service que l’on attend de vous.

— J’ai compris, fit le vieillard avec un étrange sourire.

— Parfait. Soyez prêt à partir demain à la pointe du jour. Michel Lavergne vous conduira à votre nouvelle demeure, et je ne serai pas lent à vous y rejoindre.

Quand Théodorus fut parti, Deschesnaux appela Lavergne, qui entra d’un pas chancelant.

— Tu es ivre, coquin ! dit Deschesnaux.

— Certainement, noble maître, j’ai bu toute la soirée à la santé de l’illustre intendant du roi. Mais n’importe, j’ai conservé assez de bon sens pour comprendre vos ordres.