Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esprits. Le temps d’épreuves auxquels ils sont soumis même dans ce cas démontre précisément qu’il s’agit bien, pour eux et pour leurs crédules spectateurs, de prouver qu’ils ont acquis une qualité nouvelle, toute mythique, à savoir, la possession de pouvoirs spéciaux[1], matérialisés d’ordinaire dans l’os de mort ou le cristal de roche ; et qu’ils ont acquis des relations intimes avec des esprits familiers, relations que témoignent quelquefois des dessins ou même des stigmates particuliers.

En somme, tout se passe ici sur un terrain mouvant où le mythe et le rite, les sensations, les actes, les inspirations, les illusions et les hallucinations se mêlent, non sans harmonie, pour former une image traditionnelle du magicien ; image grossie chez les autres membres de la tribu, atténuée chez lui, mais à laquelle s’attache, en son esprit, une croyance ferme et relativement peu feinte.

VI

LA CONSERVATION ET LA FUITE DES POUVOIRS MAGIQUES

Ce qui établit précisément que ces initiations ont avant tout pour effet commun d’entraîner chez le magicien australien et chez ces adeptes un état de croyance collective, croyance surtout sentimentale, c’est que des sentiments de crainte et de respect naissent à l’égard du nouveau magicien, et qu’il est dorénavant enserré et protégé par toute une série ce tabous. Il occupe une situation privilégiée, dont la grandeur croîtra avec l’âge ; quelquefois il est chef du groupe local, quand il y a des chefs. D’ordinaire il y a des droits spéciaux, non seulement à l’égard des étrangers au groupe, mais encore, ce qui est plus rare dans ces démocraties primitives, à l’égard des membres du groupe. Il peut enfreindre des lois extraordinairement

  1. N. T., p. 529.