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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

Goutte à goutte et suinter d’heure en heure la honte.
Votre cri de bonheur jusqu’aux nuages monte !
Ah ! vous êtes contents. Soit. C’est bien. Attachés
Et garrottés, riez et chantez ! Et sachez
Que le lion attend dans sa caverne, et bâille.

PRÊTRE-PIERRE.

Mais que demandes-tu ?

SLAGISTRI.

Mais que demandes-tu ? La dernière bataille.
Et je viens vous parler de la bonté du fer.

PRÊTRE-PIERRE.

Certes, le fer est bon pour labourer, c’est clair.
Mais, le sillon ouvert, sa tâche est accomplie.

SLAGISTRI.

Je ne suis pas d’avis, moi, quand le joug nous plie,
Quand un maître nous fait de son spectre un bâillon,
Que tout l’emploi du fer soit d’ouvrir le sillon.

PRÊTRE-PIERRE.

Travailler et prier, c’est tout. Je ne réclame
Que le soc pour le bras et la bible pour l’âme.

SLAGISTRI.

Soldat contre soldat, arme contre arme, fer
Contre fer, le ciel même ainsi combat l’enfer,
Et c’est ce qu’il nous faut, car le burg aux tours rondes
N’a pas peur des bâtons et ne craint pas les frondes.

PRÊTRE-PIERRE.

Mais quand donc diras-tu : Frères, vivez en paix !
Soyez doux ! Bornez-vous au saint travail.

SLAGISTRI.

Soyez doux ! Bornez-vous au saint travail. Après.
On n’entre dans la paix qu’en sortant du despote.