Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/38

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coq-à-l’âne aussi. Son rire est une bouche de volcan qui éclabousse toute la terre. Ses lazzis sont des flammèches. Il impose aux peuples ses caricatures aussi bien que son idéal ; les plus hauts monuments de la civilisation humaine acceptent ses ironies et prêtent leur éternité à ses polissonneries. Il est superbe ; il a un prodigieux 14 juillet qui délivre le globe ; il fait faire le serment du jeu de paume à toutes les nations ; sa nuit du 4 août dissout en trois heures mille ans de féodalité ; il fait de sa logique le muscle de la volonté unanime ; il se multiplie sous toutes les formes du sublime ; il emplit de sa lueur Washington, Kosciusko, Bolivar, Botzaris, Riego, Bem, Manin, Lopez, John Brown, Garibaldi ; il est partout où l’avenir s’allume, à Boston en 1779, à l’île de Léon en 1820, à Pesth en 1848, à Palerme en 1860 ; il chuchote le puissant mot d’ordre : Liberté, à l’oreille des abolitionnistes américains groupés au bac de Harper’s Ferry, et à l’oreille des patriotes d’Ancône assemblés dans l’ombre aux Archi, devant l’auberge Gozzi, au bord de la mer ; il crée Canaris ; il crée Quiroga ; il crée Pisacane ; il rayonne le grand sur la terre ; c’est en allant où son souffle les pousse, que Byron meurt à Missolonghi et que Mazet meurt à Barcelone ; il est tribune sous les pieds de Mirabeau et cratère sous les pieds de Robespierre ; ses livres, son théâtre, son art, sa science, sa littérature, sa philosophie, sont les manuels du genre humain ; il a Pascal, Régnier, Corneille, Descartes, Jean-Jacques, Voltaire pour toutes les minutes, Molière pour tous les siècles ; il fait parler sa langue à la bouche universelle, et cette langue devient verbe ; il construit dans tous les esprits l’idée de pro-