Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/101

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leur chant sauvage, Moscou avait été brûlé ; les prussiens sont entrés dans Paris, on avait pris Berlin ; les autrichiens sont entrés dans Paris, on avait bombardé Vienne ; les anglais sont entrés dans Paris, le camp de Boulogne avait menacé Londres ; ils sont arrivés à nos barrières, ces hommes de tous les peuples, tambours battants, clairons en tête, drapeaux déployés, sabres nus, canons roulants, mèches allumées, ivres, ennemis, vainqueurs, vengeurs, criant avec rage devant les dômes de Paris les noms de leurs capitales, Londres, Berlin, Vienne, Moscou ! Eh bien ! dès qu’ils ont mis le pied sur le seuil de cette ville, dès que le sabot de leurs chevaux a sonné sur le pavé de nos rues, autrichiens, anglais, prussiens, russes, tous, en pénétrant dans Paris, ont entrevu dans ces murs, dans ces édifices, dans ce peuple, quelque chose de prédestiné, de vénérable et d’auguste ; tous ont senti la sainte horreur de la ville sacrée ; tous ont compris qu’ils avaient là, devant eux, non la ville d’un peuple, mais la ville du genre humain, tous ont baissé l’épée levée ! Oui, massacrer les parisiens, traiter Paris en place prise d’assaut, mettre à sac un quartier de Paris, violer la seconde Ville Eternelle, assassiner la civilisation dans son sanctuaire, mitrailler les vieillards, les enfants et les femmes dans cette grande enceinte, foyer du monde, ce que Wellington avait défendu à ses montagnards demi-nus, ce que Schwartzenberg avait interdit à ses Croates, ce que Blücher n’avait pas permis à sa landwehr, ce que Platow n’avait pas osé faire faire par ses cosaques, toi, tu l’as fait faire par des soldats français, misérable ! »