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CE QUE FLEURY ALLAIT FAIRE À MAZAS.

Dans cette même nuit, vers quatre heures du matin, les abords du chemin de fer du nord furent silencieusement investis par deux bataillons, l’un de chasseurs de Vincennes, l’autre de gendarmerie mobile. Plusieurs escouades de sergents de ville s’installèrent dans l’embarcadère. L’ordre fut donné au chef de gare de préparer un train spécial et de faire chauffer une locomotive. On retint un certain nombre de chauffeurs et de mécaniciens pour un service de nuit. Du reste nulle explication pour personne et secret absolu. Un peu avant six heures un mouvement se fit dans la troupe, des sergents de ville arrivèrent en courant, et quelques instants après déboucha au grand trot par la rue du Nord un escadron de lanciers. Au milieu de l’escadron et entre les deux haies des cavaliers, on voyait deux voitures cellulaires traînées par des chevaux de poste ; derrière chaque voiture venait une petite calèche ouverte dans laquelle se tenait un homme seul. En tête des lanciers galopait l’aide de camp Fleury.

Le convoi entra dans la cour, puis dans la gare, et les grilles et les portes se refermèrent.

Les deux hommes qui étaient dans les deux calèches se firent reconnaître du commissaire spécial de la gare auquel l’aide de camp Fleury parla en particulier. Ce convoi mystérieux excita la curiosité des employés du chemin de fer ; les gens de service interrogeaient les hommes de police, mais ceux-ci ne savaient rien. Tout ce qu’ils purent dire, c’est que les voitures cellulaires étaient à huit places, que dans chaque voiture il y avait quatre prisonniers, occupant chacun une cellule, et que les quatre autres cellules étaient remplies par quatre sergents de ville placés entre les prisonniers de façon à empêcher toute communication de cellule à cellule.

Après les divers pourparlers entre l’aide de camp de l’Elysée et les gens du préfet Maupas, on plaça sur des trucs les deux voitures cellulaires, ayant toujours chacune derrière elle la calèche ouverte comme une guérite roulante où un agent de police faisait sentinelle. La locomotive était prête, on accrocha les trucs au tender, et le train partit. Il faisait encore nuit noire.

Le train roula longtemps dans le silence le plus profond. Cependant il gelait ; dans la seconde des deux voitures cellulaires les sergents de ville, gênés et transis, ouvrirent leurs cellules et pour se réchauffer et se dégourdir se mirent à se promener dans l’étroit couloir qui traverse de part en part les