Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/122

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le fouille. Un sergent de ville lui dit : – Si nous trouvons une cartouche sur vous, nous vous fusillons. On ne trouve rien. On le mène à la préfecture de police, on l’enferme au dépôt. Le directeur du dépôt vient et lui dit : – Colonel, je vous connais bien. Ne vous plaignez pas d’être ici. Vous êtes confié à ma garde. Félicitez-vous-en. Voyez-vous, je suis de la maison, je vais et je viens, je vois, j’entends, je sais ce qui se passe, je sais ce qui se dit, je devine ce qui ne se dit pas. J’entends de certains bruits la nuit, je vois de certaines traces le matin. Moi, je ne suis pas méchant. Je vous garde, je vous escamote. Dans ce moment-ci, soyez content d’être avec moi. Si vous n’étiez pas ici, vous seriez sous terre.

Un ancien magistrat, le beau-frère du général Le Flô, cause, sur le pont de la Concorde, devant le perron de la Chambre, avec des officiers ; des gens de police l’accostent : – Vous embauchez l’armée. Il se récrie, on le jette dans un fiacre et on le mène à la préfecture de police. Au moment d’arriver, il voit passer sur le quai un homme en blouse et en casquette, jeune, poussé à coups de crosse par trois gardes municipaux. A la coupure du parapet, un garde lui crie : – Entre là. L’homme entre. Deux gardes le fusillent dans le dos. Il tombe. Le troisième garde l’achève d’un coup de fusil dans l’oreille.

Le 13, les massacres n’étaient pas encore finis. Le matin de ce jour-là, au crépuscule, un passant solitaire qui longeait la rue Saint-Honoré vit cheminer entre deux haies de cavaliers trois fourgons pesamment chargés. On pouvait suivre ces fourgons à la trace du sang qui en tombait. Ils venaient du Champ de Mars et allaient au cimetière Montmartre. Ils étaient pleins de cadavres.