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II

LES VOIX.

UNE VOIX.

Les rudes bûcherons sont venus dans le bois.
— Si tu ne vois pas nie et doute si tu vois,
A dit Cratès. — Zénon Gorgias, Pythagore,
Plaute et Sénèque ont dit : — Si tu vois, nie encore.
Bacon a dit — Voici l’objet, l’être, le corps,
Le fait. N’en sortez pas ; car tout tremble dehors.
— Quel est ce monde ? a dit Thalès. Apollodore
A dit : C’est de la nuit que de la cendre adore.

Et Démonax de Chypre, Epicharme de Cos,
Pyrrhon, le grand errant des monts et des échos,
Ont répondu : — Tout est fantôme. Pas de type.
Tout est larve. — Et fumée, a repris Aristippe.
— Rêve ! a dit Sergius, le fatal syrien.
— Rencontre de l’atome et de l’atome, et rien.
Ces mots noirs ont été jetés par Démocrite.
Ésope a dit : — À bas, monde ! masque hypocrite !
Épicure qui naît au mois Gamélion,
Et Job qui parle au ver, Dan qui parle au lion,
Amos et Jean troublés par les apocalypses,
Ont dit : — On ne le voit qu’à travers les éclipses.
— L’être est le premier texte et l’homme est le second.
Lisible dans la fleur et dans l’arbre fécond,
Et dans le calme éther des cieux que rien n’irrite,
La nature est dans l’homme obscure et mal transcrite.