Aller au contenu

Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de causer. Malgré l’optimisme du père Abbé, j’ai grand’peur que ses moines ne soient prochainement dispersés, jetés à la porte de France. Il n’y a donc pour eux qu’à prier, au jour le jour, en attendant la catastrophe.

— Hélas ! s’exclama M. Lampre.

Ils se séparèrent. Durtal réfléchissait, en se promenant. Il est étonnant, tout de même, ce brave M. Lampre ; il ne peut se convaincre que le monastère est un microcosme, un diminutif de la société, une image en réduction de la vie commune. Il ne peut pas n’y avoir que des saints Benoît et des saints Bernard dans un couvent, pas plus qu’il ne peut y avoir que des gens de génie ou de talent dans le monde. Les médiocres sont nécessaires pour accomplir de médiocres labeurs ; il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. On nous rabâche constamment la grandeur des cénobites de saint Maur, mais combien parmi eux n’étaient ni des érudits, ni des chercheurs ; combien, en accomplissant de serviles besognes, ont permis aux Mabillon de travailler en paix et les ont aussi appuyés, soutenus du réconfort de leurs prières ! Enfin où, dans quelle classe de société, M. Lampre trouvera-t-il un assemblage de vertus pareilles à celles de notre cloître ? Car il n’y a que des moines fervents, ici. Je ne parle même pas du père Abbé, de Dom de Fonneuve, de Dom Felletin, mais aussi des autres religieux ; qu’il y ait parmi eux, des ignares et des incapables, c’est entendu ; ils n’en sont pas moins d’excellents prêtres ; puis avant de les honnir, il siérait de savoir si justement notre-seigneur ne se plaît pas davantage dans ces âmes qui échappent au péril de l’esprit et au danger d’une or-