Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/58

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grande villasse ennuyeuse, excepté les églises, qui sont en Italie de la plus grande beauté. De Milan, nous sommes allés coucher à Lodi, de Lodi à Plaisance, de Plaisance à Parme, de Parme à Arregio, d’Arregio à la belle Modène, de Modène à Bologne la grasse, où tout est noble et beau ; j’y ai vu une tour qui a l’air de tomber et qui, néanmoins, est très solide, car elle a été bâtie ainsi. Voilà l’efFet quelle fait (ici un croquis), et de Bologne à Florence la belle, à bien juste titre, où tout rappelle les Médicis et la belle Renaissance des arts en Italie. Il règne dans les églises un luxe oriental ; j’ose dire aussi que c’est un peuple de prêtres ; on est coudoyé par des légions de moines, des petits apprentis prêtres de l’âge de dix ans jusqu’à la caducité, ce qui est très choquant, selon moi, sauf le respect que j’ai pour ma religion. Au reste, Florence est une ville de palais ; partout de la peinture ; les cloîtres en sont pleins. Je vais tous les jours faire un pèlerinage à l’église des Carmes, où est une chapelle que l’on peut nommer l’antichambre du paradis : elle est peinte par Masaccio, ancien peintre de la Renaissance. Je suis allé au théâtre de la Pergolla, le premier théâtre où j’ai vu représenter Artémise, grand opéra, et, quoique la musique fût du célèbre Gimarosa, je n’y ai rien compris ; c’est le plus ennuyeux galimatias comme exécution instrumentale ; point de goût ni, qui plus est, point de mesure ; la moitié de l’orchestre est toujours en arrière d’une mesure avec l’autre. Pour la peinture, j’ai vu les ouvrages des premiers peintres modernes. Malheureusement pour eux, ils sont en arrière de trente ans et font rougir, bien rougir, la cendre de Michel-Ange, etc., etc. Il passe dans ce moment une procession qui a l’air d’une mascarade, et le son des cloches me casse la tête ; car elles sont, je crois, en aussi grand nombre que les habitants. Je n’ai ni le temps ni le talent de vous faire un livre, de tout ce que je vois d’admirable et de curieux ; quant aux arts, je