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JEUNESSE

— Peur de quoi ? fit-elle, sans même lever les yeux de dessus son ouvrage.

— Peur de rien, ou encore, de mourir, avouai-je.

— Quand on a la conscience tranquille, déclara-t-elle, et qu’on n’est pas malade, on ne craint pas la mort.

Après ces dernières paroles, toutefois, elle me regarda un peu, tout en enfilant son aiguille.

Quel baume ! Je revins à Montréal, transformée et si je ne retrouvai pas en entier, mon bienheureux sommeil des années précédentes, je m’apaisais facilement et me rendormais, calmée, comme si dans sa sagesse, assise tout près de mon lit, grand’mère avait déclaré que je n’avais pas raison de craindre.


XV


Ma santé se raffermissait tout doucement, quand maman tomba malade à son tour : mais peu grièvement et elle devait se rétablir bientôt ; toutefois, laissant partir Roseline pour Sainte-Adèle, je remis à la fin d’août, un séjour projeté chez grand’mère.

Un dimanche matin, mon jeune frère Lucien revint d’une messe matinale en disant : « L’Allemagne a déclaré la guerre à la France. L’Europe est en feu. C’est écrit en grosses lettres, sur le sommaire des journaux. » Depuis quelques jours, on parlait des possibilités d’une guerre, mais je n’avais pas voulu prêter attention à ces propos. La nouvelle de ce matin, brutale, m’abattit comme un coup de foudre et je murmurai : « Mon Dieu ! »